Pollution des ressources en eau : Des métaux lourds issus de l’exploitation minière dans les eaux du Burkina

Les maigres ressources en eau du Burkina Faso sont polluées aux mercure et cyanure, deux produits chimiques hautement toxiques, utilisés dans le processus de l’exploitation minières industrielles. Une situation qui condamne des générations actuelles et futures à de graves problèmes sanitaires et de droit à une eau de qualité.

Une étude intitulée « Analyse économique du secteur des mines, liens pauvreté et environnement » du Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie (MECV) indique que : « Dans les mines, l’usage de produits hautement toxiques (mercure, cyanure) pour l’amalgamation et la cyanuration de l’or augmente fortement la pollution des eaux. ». Cette révélation est corroborée par le rapport de GLOCON Country Report intitulée : « Les mines nous rendent pauvres » : L’exploitation minière industrielle au Burkina Faso ». En effet, ce rapport produit avec l’appui des experts Franza Drechsel, Bettina Engels et Mirka Schäfer souligne que « L’exploitation minière a également des impacts considérables sur l’environnement, tels que… la contamination des eaux de surface et des nappes phréatiques ». Dans la même lancée, le document de Politique Nationale de l’Eau, publié en mars 2015 par le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques, de l’Assainissement et de la Sécurité alimentaire, révèle que « Pour chaque gramme d’or obtenu par amalgamation, environ deux grammes de mercure s’échappent dans le milieu ambiant, polluant directement les sols, l’eau et l’air ».  Cette pollution minière est d’une grande inquiétude quant on sait que le Burkina n’a pas les moyens pour dépolluer ces eaux déjà polluées, selon des experts consultés. En plus, cette inquiétude est d’autant plus prononcée quand on sait que le Burkina Faso est l’un des pays faiblement dotés en ressources en eau. En plus, à cause de situation géographique (situé en hauteur), la plupart de ses eaux coule vers les pays voisins.

Le Burkina, un pays faiblement doté en eau

Les experts s’accordent pour dire que le Burkina Faso non nanti en ressources en eau. M. Fulgence T. Ki, expert en matière de l’eau, affirme que : « l’essentiel des ressources en eau du Burkina provient des pluies » et cette eau s’écoule vers les pays voisins notamment la Côte d’Ivoire, le Ghana. Pour Pascal Nakohoun, directeur des études et information sur l’eau, du ministère de l’eau : « notre pays reçoit environ 200 milliards de m³m3 d’eau sous forme de pluie, mais nous ne retenons même pas plus de 10 milliards ». Mais la plus grande inquiétude semble être la pollution de ces maigres ressources par les polluants persistants qui sont entre autres les métaux lourds.

La pollution minière, une constance

La catastrophe environnementale occasionnée à Poura, la première mine industrielle du Burkina Faso, exploitée par la Société de Recherche d’Exploitation Minière du Burkina (SOREMIB), dans la région de la Boucle du Mouhoun illustre que l’exploitation minière dans notre pays rime avec pollution des eaux de surface et souterraine. Depuis que cette mine est fermée depuis 1999, elle a laissé derrière une catastrophe hydrique sans précédent. En effet, le bac à cyanure à ciel ouvert qui s’étale sur une surface d’environ un demi hectare en est la parfaite illustration. Une importante quantité de résidus de cyanure utilisés pendant l’exploitation de la mine est toujours rependu sur les lieux. De nos jours, ces déchets chimiques continuent de dégager une forte puanteur dès qu’on s’en approche. Évoquant les effets néfastes de ce bac, le lieutenant des eaux et forêts, Basile Kaboré cite « la pollution de l’eau, du sol et même de l’air ». Ce bac est situé à cinq kilomètres du fleuve Mouhoun, le plus grand cours d’eau du Burkina Faso qui traverse les régions de la Boucle du Mouhoun, des Hauts- Bassins et des Cascades pour continuer en Côte d’Ivoire et au Ghana. Il est source d’alimentation en eau potable des grandes villes comme Bobo-Dioulasso, Banfora, Dédougou, etc.  La dangerosité des lieux a amené l’Agence de l’eau du Mouhoun (AEM) à y implanter des pancartes interdisant l’accès. Il y est écrit en grand caractère et en rouge vif : « Accès interdit » accompagné de l’image d’une tête de mort croisée d’ossements, symbole du danger de mort.

Poura et Kalsaka, des cas d’école

L’Agence de l’eau du Mouhoun est allée plus loin si on en croit aux propos de Saidou Kanazoé, ancien directeur général de l’Agence de l’eau du Mouhoun (dans le GIRE Info n°001 octobre-décembre 2017) : « Nous avons fait des prélèvements d’eau de forages et analysé les paramètres physico-chimiques auprès des laboratoires agréés. Il s’est révélé que certains forages sont contaminés. Nous avons approché le maire avec ces résultats pour lui expliquer qu’il n’était pas bon de laisser les populations continuer de boire l’eau de ces forages et qu’il était judicieux de trouver une alternative. Le maire a compris et les forages ont été fermés ». L’ancien maire de Poura, Seydou Traoré, très remonté, affirme sans détours que la SOREMIB a légué des conséquences négatives sur le site de Poura où les plus nantis ne consomment que l’eau minérale. Seydou Diao, président des éleveurs de la localité, se souvient que « plusieurs dizaines d’animaux sont morts après avoir bu de l’eau » dont il est convaincu qu’elle était contaminée aux produits chimiques issus de l’exploitation minière.

Poura est loin d’être un cas isolé. La mine d’or de Kalsaka (région du Nord) exploitée de 2008 à 2013 par la société Kalsaka Mining SA est aussi concernée. « Kalsaka est un désastre environnemental », s’offusque Jonas Hien, Secrétaire exécutif de l’ONG ORCADE. Dans cette localité, la qualité des eaux inquiète en permanence les habitants. Sous leur pression, la mine avait procédé à des prélèvements de l’eau pour analyse. Mais, « personne n’a jamais pu voir les résultats des analyses qui ont été gardés secrets », souligne l’ex-maire de Kalsaka, Adama Ouédraogo. Pour éviter tout problème de santé, en 2018, le maire de Kalsaka a pris un arrêté pour la fermeture d’un grand puits dans le village de Tapré fortement soupçonnée d’être contaminé au cyanure.

Conséquences négatives du cyanure et du mercure

La dangerosité du cyanure dans l’exploitation minière fait l’objet de recherches. Dans son mémoire de Master, intitulé « Risques environnementaux et sanitaires sur les sites d’orpaillage au Burkina Faso : cycle de vie des principaux polluants et perceptions des orpailleurs (cas du site Zougnazagmligne dans la commune rurale de Bouroum, région du centre-nord) », Joël ROAMBA affirme que « le cyanure ne se bioaccumulebio-accumule pas dans les organismes vivants. Il agit directement comme un poison ». Plus loin, il révèle qu’ « en général, 0,3 à 0,5 g de cyanure sont nécessaires pour une tonne de minerai, mais dans la pratique, les industriels utilisent 300 à 2000 g de cyanure par tonne de minerai pour une extraction plus efficace ».

Le Rapport d’Evaluation Initiale de Minamata de juin 2018 a évalué les rejets du mercure dans les eaux du Burkina. Se fondant sur les données fournies par six compagnies minières, ce rapport évalue à 34.98% la responsabilité de l’exploitation minière dans la pollution des eaux par le mercure. L’étude précise que « l’extraction de l’or par amalgamation au mercure sans utilisation de cornue » s’élève à « 6 310,7 kg Hg/an ». 

Selon l’expert en eau David MOYENGA, le mercure une fois dans l’eau peut durer environ 70 ans. Selon lui, la présence des métaux lourds dans l’eau, le sol représente un grand danger pour la biodiversité et de problèmes de santé publique pour l’homme. Les animaux qui boivent l’eau contaminée vont développer des maladies et l’homme qui les consomme s’y expose également. L’expert signale que la présence de ces métaux dans le corps provoque sur le plan sanitaire entre autres, la perturbation du système nerveux, l’endommagement des fonctions cérébrales, de l’ADN et des chromosomes, des réactions allergiques, des éruptions cutanées, la fatigue, des maux de tête, une influence négative sur la reproduction, des maladies cardiovasculaires, causer des AVC, porter atteinte au système nerveux, voire la mort. Il ajoute que le traitement de la plupart des maladies provoquées par ces produits est hors de la portée d’une majorité écrasante de la population burkinabè.

Le Rapport d’enquête parlementaire de 2016 cite des cas avérés d’inconvénients de la pollution: “ « Le parc à résidus de la société des mines de Bélahouro aurait cédé et occasionné une mortalité d’animaux… ; … il a été observé la mort d’animaux suite à la consommation d’eau ou d’herbe ;- De nombreux points d’eau (eau de surface et forages) et de pâturages sont contaminés, et ont entrainé la mort d’animaux (bovins, caprins…) dans la région du sahel à Gaskindi, Gomdé fulbé et mossi (communes de Tongomayel et de Koutougou), à Gorom Gorom, dans la région de l’est à Fada, dans la région du Sud-ouest et du Mouhoun. L’utilisation du cyanure et du mercure a été signalé sur les sites d’orpaillage notamment à Gosey et à Banadiara. L’utilisation de ces produits a entraîné l’apparition de certaines maladies jadis éradiquées telles que le charbon bactérien et une mortalité d’animaux inexpliquée (intoxication de vautours et de poissons en 2014) ; Les sites de mines abandonnés pour cause de fin d’exploitation (Kalsaka, Poura) ou de suspension (Tambao), et bien d’autres sont quasiment des « crimes à l’environnement ».

Nafissatou SAWADOGO évoque les conséquences sanitaires du cyanure sur la santé dans son mémoire de Master d’ingénierie de l’eau et de l’environnement, intitulé « Bioremédiation des eaux et des sols pollués par le cyanure : site de Zougnazagmiline ». Elle souligne que « La forme foudroyante entraîne la mort en 10 minutes avec un coma souvent convulsif avec apnée initiale, collapsus cardiovasculaire avec bradycardie puis arrêt cardiaque. Dans la forme aiguë, peuvent apparaître une perte de connaissance brutale, parfois précédée de céphalées, vertiges, ébriété, oppression thoracique, angoisse intense et troubles digestifs. Les troubles de conscience quasi constants sont accompagnés d’une respiration anormale qui peut être rapide puis ralentir et s’arrêter. Des convulsions sont rapportées dans un tiers des cas. L’évolution se fait rapidement vers un coma profond précédant l’arrêt cardiaque. Le cyanure peut induire une modification de la coloration de la peau avec soit une coloration rose, soit une pâleur ».

Hamidou TRAORE

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