Sécurité hydrique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord

L’homme à la barre

Quoique la première partie de l’article se montre plutôt défaitiste, il n’en faut pas moins se décourager. Car si les causes à l’origine de la pénurie d’eau dans la région sont légion, les solutions ne manquent pas non plus. Hormis le facteur environnemental sur lequel la société civile et les décideurs politiques auront moins d’emprise, les facteurs anthropiques, structurels et politiques dépendent essentiellement de la volonté humaine. Conscients du problème qui les accablent, le temps est venu pour les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord de prendre la barre.

1) De toute évidence, puisque l’eau puisée et acheminée est largement consacrée à l’agriculture, il convient non seulement de sensibiliser les paysans à la question du choix des cultures les plus appropriées et des méthodes les plus rentables et durables, mais également de leur fournir les infrastructures indispensables afin qu’ils puissent développer d’autres pratiques, plus modernes, comme des systèmes d’arrosage pas tourniquet ou par goutte à goutte.

2) Une autre solution consisterait à importer de l’eau virtuelle. Au lieu d’employer les ressources hydriques à irriguer des cultures qui exigent une grande quantité d’eau, l’État les réaffecte à un autre secteur davantage rentable afin de dynamiser l’économie. Cette mesure implique toutefois un accroissement des importations de denrées alimentaires et donc, également une forte dépendance vis-à-vis des marchés alimentaires mondiaux.

3) Si les solutions à l’étranger ont leur limite – coût, dépendance –, celles internes offrent davantage de possibilités mais relèvent surtout de la volonté des décideurs politiques en place et de leur capacité à apaiser les tensions et les conflits dans la région et à coopérer.

La qualité des services d’eau doit être améliorée par le biais de d’investissements dans les infrastructures (conduits d’acheminement pour éviter les fuites, approvisionnement) et la technologie (systèmes d’assainissement, de recyclage, réutilisation des eaux grises (2)) afin de mieux gérer l’eau. Des mesures déjà implémentées par certains pays comme l’Arabie saoudite, la Jordanie ou encore Israël, qui traite 86% de ses eaux usées domestiques et les recycle à des fins agricoles.

Cependant, ces aménagements peinent à se développer dans la région à cause notamment de la politique de sous tarification de l’eau qui y règne. La responsabilisation de la population à l’égard de l’eau passe obligatoirement par des incitations à restreindre son usage hausse des prix selon le degré de pénurie, compteurs intelligents. Outre le manque de prise de conscience, le
second élément imputable à la non réalisation de ces projets est intrinsèquement lié à la recrudescence de conflits dans la zone qui empêchent toute perspective de construction.

4) De surcroît, les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord ont encore d’autres atouts dans leurs manches. Pour compenser le manque d’eau douce, les pays du Golfe et Israël ont construit des usines de dessalement. Néanmoins, les coûts d’installation et de fonctionnement sont relativement élevés, tout comme la consommation d’énergie. En outre, la désalinisation
libère une quantité considérable de saumure dans les océans. Malgré ces inconvénients, ces usines incarnent l’avenir, d’autant plus si l’on parvient à les faire fonctionner grâce aux énergies renouvelables.
 
5) La sécurité hydrique passe obligatoirement par une diversification des ressources en eau conventionnelles et non conventionnelles, le recours à des eaux de surface et souterraines mais aussi par la capture d’eau de pluie, le recyclage des eaux usées et des eaux grises. Pour y parvenir, les États pratiquent de plus en plus le stockage dans le but de jouir d’une plus grande marge de manoeuvre et de prévenir une éventuelle pénurie soudaine sans être contraints d’importer de l’eau à un prix exorbitant.
 
6) En dernier lieu, hommes politiques et diplomates se doivent de réaffirmer fermement leur engagement vis-à-vis des politiques en matière de gestion de l’eau aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. En effet, environ 60% des eaux de surface de la région s’étendent sur plusieurs pays. Dès lors, le nécessité de collaborer et de forger des relations constructives, transparentes et équitables avec ses voisins s’impose. La sécurité et la paix dans la région MENA reposent foncièrement sur les aptitudes des gouvernements à s’entendre, à collaborer et à partager de façon impartiale les ressources hydriques dont ils disposent.
 
Aussi étonnant que cela puisse paraître dans une région aussi morcelée, la problématique de la sécurité hydrique a poussé les États à coopérer étroitement. Preuve que l’eau n’est pas seulement source de vie ou source d’ennuis, mais aussi source d’ouverture et de partage.
 
La sécurité hydrique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord se dresse comme un défi colossal. Minée par les conflits et une économie ralentie, davantage préoccupée par les tensions religieuses et politiques, prise en étau par la croissance démographique et les conséquences du réchauffement climatique, la région n’apparaît pas en mesure d’y répondre positivement. Or, la crise de l’eau est essentiellement une crise sociétale et de gouvernance.
 
Il incombe aux gouvernements nationaux d’insuffler un changement dans les pratiques agricoles et les habitudes domestiques. Pour ce faire, il est primordial que les investissements dans les technologies et les infrastructures, les politiques et la gestion des institutions s’accordent non seulement à l’échelle régionale mais aussi mondiale. Et, aussi étonnant que cela puisse paraître dans une région aussi morcelée, la problématique de la sécurité hydrique a poussé les États à coopérer étroitement. Preuve que l’eau n’est pas seulement source de vie ou source d’ennuis, mais aussi source d’ouverture et de partage.
(1) En Arabie saoudite, par exemple, l’eau était vendue 0.08 USD/m3 en 2015, alors qu’elle coûtait environ 1.09 USD/m3 à produire : https://bit.ly/2ugwYRP (https://bit.ly/2ugwYRP)
(2) Les eaux grises sont des eaux usées domestiques faiblement polluées (par exemple eau d’évacuation d’une douche ou d’un lavabo) et pouvant être utilisées pour des tâches ne nécessitant pas une eau absolument propre, par exemple l’évacuation des excréments ou le nettoyage d’un véhicule : https://fr.wikipedia.org/wiki/Eaux_grises(https://fr.wikipedia.or /wiki/Eaux_grises)
 

 

source principale Banque mondiale, 2017. Au-delà des pénuries : la sécurité de l’eau au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Brochure du résumé analytique.(http://documents.banquemondiale.org/curate /fr/853261506588449132/pdf/120105-PUB-v2-PUBLIC-FRENCH.pdf) Banque mondiale, Washington, DC. Licence : Creative Commons Attribution CC BY 3.0 IGO. OTAN, 2017. La sécurité alimentaire et hydrique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (https://www.nato-pa.int/download file?filename=sites/default/files/2017-1/2017%20-%20176%20STC%2017%20F%20bis%20- %20SECURITE%20ALIMENTAIRE%20ET%20HYDRIQUE.pdf) . Rapport spécial, Maria Martens.

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