La Grèce et l’Egypte s’opposent à l’accord de prospection d’hydrocarbures signé entre la Libye et la Turquie

 Un accord de délimitation maritime signé entre Ankara et Tripoli en 2019 avait déjà suscité la colère de la Grèce, de l’Egypte et de Chypre, car il permet à la Turquie de faire valoir des droits sur de vastes zones riches en hydrocarbures en Méditerranée orientale.

La Grèce et l’Egypte ont rejeté, lundi 3 octobre, un accord signé le jour même entre la Libye et la Turquie sur la prospection d’hydrocarbures dans une zone en Méditerranée orientale, convoitée par les pays riverains. 

Le ministère grec des Affaires étrangères a annoncé, dans un communiqué publié quelques heures seulement après la signature de l’accord entre Tripoli et Ankara, que « la Grèce dispose de droits souverains dans la zone qu’elle entend défendre par tous les moyens légaux, dans le plein respect du droit international de la mer ».

Le même communiqué a précisé que « toute mention ou action mettant en application ledit ‘’accord’’ sera de facto illégitime et entraînera, en fonction de sa portée, une réaction au niveau bilatéral ainsi que de la part de l’Union européenne et de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ».

L’accord signé entre le gouvernement libyen basé à Tripoli et le gouvernement turc prévoit de « développer des projets liés à l’exploration, la production et le transport de pétrole et de gaz dans les eaux libyennes ». Il fait suite à un accord de délimitation maritime qui avait été conclu en novembre 2019 entre l’ancien Gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par l’ONU et basé à Tripoli, et le gouvernement turc. Cet accord de délimitation maritime avait alors suscité une levée de boucliers en Grèce, en Egypte et à Chypre, car il permet à la Turquie de faire valoir des droits sur de vastes zones en Méditerranée orientale, convoitées par ces trois pays et où d’importants gisements d’hydrocarbures ont été découverts ces dernières années.

Dans son communiqué, le ministère grec des Affaires étrangères a estimé que cet accord de délimitation maritime conclu entre Tripoli et Ankara « a été rendu nul et non avenu » par un autre accord bilatéral sur la délimitation des zones maritimes, signé entre la Grèce et l’Egypte en 2020.

Soutien militaire

Le chef de la diplomatie grecque, Nikos Dendias, a par ailleurs révélé, dans un tweet, qu’il estimait, ainsi que son homologue égyptien Sameh Shoukry, que « le gouvernement de Tripoli est dépourvu de légitimité pour sceller un tel accord ». M. Dendias a également annoncé qu’il se rendrait dimanche prochain au Caire pour des « consultations » sur ce dossier.

Le ministère égyptien des Affaires étrangères a, de son côté, fait savoir, dans un communiqué publié sur sa page Facebook, que le chef de la diplomatie égyptienne Sameh Shoukry a reçu un appel téléphonique de son homologue grec, Nikos Dendias, au cours duquel les deux hommes ont souligné que le gouvernement de Tripoli « ne dispose pas de la légitimité requise pour signer des accords internationaux ».

Lors d’un point de presse tenu à Tripoli avec son homologue libyenne Najla Al-Mangoush, le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu, a défendu l’accord relatif à la prospection d’hydrocarbures. « Il s’agit d’une affaire qui concerne deux pays souverains, c’est du gagnant-gagnant pour les deux, et les autres pays n’ont pas le droit de s’ingérer dans ces affaires », a-t-il précisé.

En contrepartie de l’accord de délimitation maritime de 2019, la Turquie avait soutenu militairement le gouvernement de Tripoli. Ankara avait fourni à Tripoli des conseillers militaires et des drones qui lui ont permis de repousser les assauts menés par les forces du maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’Est, pour prendre la capitale.  

Dotée des réserves pétrolières prouvées les plus abondantes d’Afrique, la Libye est en proie depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011 à une interminable série de crises politiques et de violences, qui sapent le processus de transition censé tourner la page de quatre décennies de dictature. Depuis mars dernier, deux gouvernements se disputent le pouvoir dans ce pays d’Afrique du Nord. Basé à Tripoli, le premier a été mis en place en 2021 dans le cadre d’un processus de paix parrainé par l’ONU, tandis que le second est conduit par l’ancien ministre de l’Intérieur, Fathi Bachagha, et soutenu par le camp du maréchal Haftar.

Laisser un commentaire