En Afrique, l’expansion des énergies fossiles sert essentiellement à répondre aux besoins de l’Europe et de l’Asie (rapport)

Ce rapport, signé par un groupe d’ONG, met le projecteur sur les sociétés pétrolières et les acteurs financiers qui poursuivent l’expansion de projets d’énergies fossiles en Afrique. Il affirme que l’essentiel de ces nouveaux projets sont aux mains de multinationales étrangères, ce qui est exact, et que leur production est majoritairement tournée vers l’exportation, ce qui est de moins en moins vrai concernant le gaz naturel.

La plupart des nouveaux projets d’exploration et d’exploitation des énergies fossiles en Afrique sont portés par des multinationales étrangères et leur production est essentiellement à destinée à l’exportation vers l’Europe et l’Asie, affirme un rapport publié le 15 novembre par l’ONG allemande Urgewald en collaboration avec un collectif d’associations africaines et européennes.

Selon ce rapport, dans 48 des 54 pays africains des compagnies pétrolières, gazières et charbonnières explorent ou développent de nouvelles réserves d’énergies fossiles, construisent de nouvelles infrastructures associées à cette exploitation telles que des oléoducs, des gazoducs ou des terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) ou encore mettent en place de nouvelles centrales électriques alimentées par le gaz ou le charbon.

Depuis 2017, environ 886 000 km2, soit une zone plus grande que les superficies de la France et de l’Italie réunies, ont fait l’objet de permis d’exploration et d’exploitation de pétrole et de gaz sur le continent.

La major pétrolière française TotalEnergies serait l’un des premiers acteurs de cette expansion des énergies fossiles. Cette compagnie vise à ajouter 2,27 milliards de barils d’équivalent pétrole à sa capacité de production en Afrique dans les années à venir. Le géant italien Eni envisage, quant à lui, d’augmenter sa production sur le continent 1,32 milliard de barils d’équivalent pétrole.

Dans l’ensemble, les multinationales étrangères concentrent deux tiers de la production d’hydrocarbures prévue en Afrique d’ici 2050.

Des centrales à charbon d’une capacité totale de 10 135 mégawatts seraient d’autre part en cours de construction ou en phase d’étude en Afrique, essentiellement pour alimenter des projets miniers.

Rendu public à Charm El-Cheikh (Egypte), où se déroule la conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP27), le rapport souligne que la majeure partie de cette production est orientée vers l’exportation. Le déploiement géographique des gazoducs et oléoducs en projet à travers le continent dessine d’ailleurs la réalité d’une industrie presque entièrement tournée vers l’Europe ou l’Asie. Sur plus de 20 000 km de tuyaux, soit de quoi joindre « le pôle Nord au pôle Sud », seulement un quart est dévolu partiellement à l’Afrique.

Des financements provenant majoritairement de l’Occident

L’expansion des énergies fossiles en Afrique ne bénéficie que très peu aux populations locales, puisque 600 millions d’Africains demeurent sans accès à l’électricité.

Cette expansion risque aussi de fragiliser davantage le continent qui subit déjà de plein fouet les effets néfastes du dérèglement climatique bien qu’il ne contribue qu’à hauteur de moins de 4% aux émissions de gaz à effet de serre.

« La ruée actuelle pour le pétrole et le gaz de l’Afrique n’a rien à voir avec l’augmentation de l’accès à l’énergie pour les Africains (…). Les profits iront essentiellement à une élite mondiale, tandis que les communautés locales devront à nouveau faire face à la pollution, à l’appauvrissement et aux violations des droits de l’homme qui sont la marque de fabrique du développement des combustibles fossiles », soulignent les auteurs du rapport, tout en appelant à augmenter les investissements dans les énergies renouvelables « plus rentables et plus résilientes que leurs homologues fossiles afin d’offrir un accès universel à l’énergie pour tous les Africains ».

Sur un autre plan, le rapport montre que les banques occidentales sont les principales sources de financement de l’expansion des énergies renouvelables en Afrique. Entre janvier 2019 et juillet 2022, quelque 325 banques commerciales ont acheminé plus de 98 milliards d’euros vers des entreprises qui développent de nouveaux projets d’énergies fossiles sur le continent. La majorité de ces banques sont situées aux Etats-Unis, en Europe, et au Japon.

Les cinq principales banques ayant injecté des fonds dans des compagnies opérant dans le domaine des énergies fossiles en Afrique durant la période sous revue sont Citigroup (5,6 milliards de dollars), JP Morgan (5 milliards de dollars), BNP Paribas (4,5 milliards de dollars), Bank of America (4,1 milliards de dollars) et Société Générale (3,9 milliards de dollars).

Au total, 70% des financements proviennent d’établissements de crédit qui ont rejoint l’alliance bancaire zéro émission nette (NZBA), une initiative sectorielle mondiale visant à accélérer la mise en œuvre des projets de lutte contre le changement climatiques et le soutien à la transition énergétique.

En juillet 2022, environ 5000 investisseurs institutionnels détenaient par ailleurs des actions ou des obligations d’un montant global de 109 milliards de dollars dans des entreprises développant de nouveaux projets fossiles en Afrique. Dans ce chapitre, les fonds d’investissements américains BlackRock et Vanguard arrivent en tête de liste avec des financements respectifs de 12 et 8,3 milliards de dollars, devant le fonds norvégien Government Pension Fund Global (3,6 milliards).

Agence ecofin

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