Défier la sécheresse au Sahel : du partage d’idées à une résilience partagée par Ousmane Diagana et Saroj Kumar Jha

L’eau n’est pas uniquement une question de survie, elle est aussi synonyme de prospérité. Dans les pays à faible revenu, plus de la moitié des emplois dépendent de l’eau (a). En Afrique subsaharienne, ce chiffre atteint 62 %. La chute des précipitations entraîne celle du PIB, ce qui montre à quel point l’eau est essentielle non seulement à la vie, mais aussi au travail et à la croissance.

À l’heure actuelle, une personne sur dix dans le monde vit dans des régions confrontées à un stress hydrique élevé ou critique. Au cours des 50 dernières années, les périodes de graves pénuries de pluie ont augmenté de plus de 230 % à l’échelle mondiale (a). En Afrique de l’Ouest, de nombreuses communautés s’ajustent à l’évolution des régimes pluviométriques et à la diminution des ressources hydriques grâce à une résilience, une créativité et un savoir local remarquables. Leur expérience permet de mieux comprendre comment les économies peuvent s’adapter et prospérer face à l’évolution des conditions écologiques.

Ousmane Diagana, vice-président régional de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et du centre, et Saroj Kumar Jha, directeur mondial du pôle Eau de la Banque mondiale

Au Sahel en particulier, où la quasi-totalité de la production agricole dépend des précipitations, chaque goutte compte. Cette forte dépendance aux précipitations rend la région particulièrement vulnérable aux chocs climatiques, entraînant une instabilité des revenus des ménages ainsi que du coût des denrées alimentaires. Selon les projections, la hausse des températures au Sahel sera 1,5 fois supérieure à la moyenne mondiale, ce qui accroît la fréquence et la gravité des sécheresses, des inondations et des vagues de chaleur et exerce une pression supplémentaire sur les services et les dépenses. Ces pressions se manifestent aussi bien dans les budgets des ménages que dans les comptes nationaux.

Cependant, la coopération régionale a montré qu’une action collective peut faire bouger les lignes. Il y a dix ans, les gouvernements ont défini dans la Déclaration de Dakar un objectif commun visant à étendre la surface irriguée de 400 000 à un million d’hectares d’ici à 2020, afin de renforcer la résilience, la sécurité alimentaire et la prospérité économique au Sahel.

Depuis, environ 285 000 hectares ont été aménagés de manière fiable, ce qui a permis de tirer des enseignements sur le fonctionnement des systèmes, l’organisation des groupes d’agriculteurs et le financement durable de l’exploitation et de l’entretien. En avril 2025, les pays du Sahel ont adopté la Stratégie pour l’irrigation au Sahel (« Dakar +10 »), un plan commun assorti d’échéances jusqu’en 2055. Son objectif est d’étendre les modes d’irrigation performants et durables, de mieux intégrer les ressources hydriques partagées et souterraines, et de renforcer la sécurité alimentaire grâce à une action coordonnée.

Cette semaine à Ouagadougou a marqué le début d’un nouveau chapitre. Le Groupe de la Banque mondiale, en partenariat avec le gouvernement du Burkina Faso et l’Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement (2iE), a lancé le programme « Défier l’impact de la sécheresse » (a) destiné à aider les pays à renforcer leurs mesures de résilience. La première cohorte de participants originaires du Burkina Faso, du Tchad, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Sénégal collaborera avec des pairs et des experts pour adapter les mesures qui ont fait leurs preuves aux systèmes nationaux, et transformer ainsi les bonnes pratiques en actions pilotées par les pays. Bien qu’initialement axées sur le Sahel, les approches élaborées dans le cadre de ce programme orienteront les efforts de résilience à la sécheresse déployés en Afrique et au-delà, en offrant des enseignements utiles à toute région en situation de stress hydrique.

Le programme s’appuie sur ce qui fonctionne déjà. L’expérience acquise dans la région met en évidence des mesures concrètes permettant de réduire les pertes lors des années sèches. Un suivi renforcé et des prévisions plus fiables permettent de fournir des conseils opportuns à partir des données. Les alertes précoces aident les éleveurs et les agriculteurs à déplacer leurs troupeaux et à modifier leurs choix en matière de plantation. Le maintien de la productivité des systèmes d’irrigation grâce à l’amélioration des services et des opérations permet de préserver les infrastructures existantes. Le stockage des eaux et les mesures de gestion des bassins versants permettent de prolonger la saison des pluies, tandis que l’amélioration du stockage des denrées alimentaires et du commerce régional atténue les hausses de prix lorsque la production baisse dans une zone mais pas dans une autre. Ces idées ne sont pas nouvelles ; elles reposent sur l’expérience des professionnels du terrain, mis à l’épreuve à travers la région et renforcés par des données probantes partagées.

Le programme est mis en œuvre dans le cadre de l’Académie du Groupe de la Banque mondiale (a), une initiative mondiale conçue pour accélérer la mise en œuvre de solutions pratiques, fondées sur des données probantes, aux problèmes de développement. Il s’inscrit dans une vaste initiative de renforcement des capacités pour la région Afrique, menée avec le soutien du Partenariat mondial pour la sécurité hydrique et l’assainissement (a). 

Afin d’ancrer cet effort, nous nous sommes engagés avec nos partenaires à établir le Centre africain de l’eau (AWC), hébergé par le 2iE. Ce centre soutiendra l’innovation, l’échange de connaissances et le développement professionnel de la main-d’œuvre africaine du secteur de l’eau, en transformant les données tangibles et l’expérience en compétences pour que les pays puissent gérer efficacement et durablement leurs ressources hydriques. Il bénéficiera des outils de la Banque mondiale et des enseignements tirés de ses opérations.

Le programme « Défier l’impact de la sécheresse » et le Centre africain de l’eau permettent de mobiliser le savoir collectif, grâce aux échanges entre pairs, à la formation pratique et à des financements qui augmentent l’impact des budgets publics. L’objectif est de renforcer les compétences et les institutions, de gérer les chocs avant qu’ils ne s’amplifient, de maintenir les denrées alimentaires à un prix abordable, de protéger les troupeaux et les moyens de subsistance, et de créer des emplois dignes dans le domaine de la gestion de l’eau et des terres. En partageant leur savoir-faire au-delà des frontières, des communautés et des disciplines, les pays peuvent anticiper et gérer les sécheresses avant que leurs effets ne s’intensifient, et ainsi protéger les systèmes alimentaires, les moyens de subsistance et la stabilité économique.

Le développement du Sahel repose de longue date sur l’échange de connaissances. Aujourd’hui, cet esprit de collaboration peut empêcher la sécheresse de dicter son avenir et transformer une lutte commune en une force collective. Ce qui commence ici se propagera ailleurs. Les enseignements testés, affinés et validés au Sahel peuvent aider les pays d’Afrique et du monde entier à mieux se préparer et faire face à la sécheresse.

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