Isotopes et ressources en eaux

L’eau source de vie, pour ses multiples fonctions, fait objet de plusieurs usages. Quantité et qualité sont toujours restées comme des valeurs fondamentales pour les eaux de consommation humaine et animale dans beaucoup de contrées.

De façon générale, l’eau est inégalement répartie à la surface du globe. Cependant elle n’est pas directement ou même pas consommable selon là où l’on la trouve ou bien selon son origine.

Les scientifiques, vivement conscients de cette double valeur de l’eau ne ménagent aucun effort en vue de satisfaire les besoins en eau, partout dans le monde. Ils contribuent de manière générale à l’évolution des sciences de l’eau en partant des autres sciences (résultats).

Ils proposent des techniques nouvelles très intéressantes, avec des principes et des domaines d’application aussi féconds afin d’atteindre la maîtrise de l’eau.

L’hydrologie isotopique, quel bilan peut-on dresser?

 

L’utilisation des isotopes en hydrologie sans doute ne saurait être un parachutage. Elle prendrait ses inspirations quelque part dans d’autres sciences. Et Comme toute nouvelle technique ou application scientifique elle a dû convaincre pour s’imposer ou se faire de la place.

Si les isotopes ont pu se faire de la place dans les sciences de l’eau à travers des principes clairs et des techniques fiables, Il est certain qu’ils possèdent des champs d’application bien définis parmi lesquels, des domaines privilégiés.

Les techniques d’application ont-elles permis de s’ouvrir à de nouveaux champs d’investigation à même de susciter des espoirs nouveaux dans hydrologie isotopique ?

Les isotopes connus depuis longtemps par les physiciens ont révélé leur importance dans les études des ressources en eau. Les techniques de leur emploi pour les études hydrologiques, injustement et pendant longtemps empêchées, ont connu finalement une utilisation.

L’étude des isotopes stables consécutifs de l’eau devrait être obligatoire autant que l’analyse hydrochimique. Cependant il est important de retenir que comme toute application, les techniques isotopiques présentent des limites et aussi des champs d’utilisation privilégiés.

Et ce du fait que les marquages isotopiques naturels sont particulièrement exaltés dans tel secteur d’étude et ou que les données nécessaires à la mise en oeuvre des autres techniques hydrologiques sont localement peu nombreuses ou peu fiables. Il existe des domaines où c’est la seule technique capable de répondre aux questions posées. Elle est souvent suivie ou accompagnée par les méthodes géochimiques.

L’étude des circulations chaudes a connu des progrès avec les isotopes. Et cela grâce à leur propriété particulière de découplage de comportement entre isotopes consécutifs de l’eau. En effet la réaction entre fluides et roches dans les milieux chauds fait intervenir 18O dont la variation de sa teneur est indicatrice de la réaction. En même temps la teneur en deutérium rend compte de l’origine. Les isotopes offrent à l’hydrologie toute une gamme de géo-thermomètres précis et fidèles.

La vapeur d’eau atmosphérique porte dans sa composition isotopique (2H, 18O, 3H) la marque de ses origines. Cette vapeur après condensation va traverser les différentes couches de l’atmosphère pour atteindre les surfaces terrestres puis les nappes. L’hydrogéologue va donc chercher à exploiter ce signal dans la nappe.

Il est connu que, sous l’effet de la décroissance radioactive on observe une diminution de 5% par an de ce signal. Ainsi, l’investigation fine isotopique et géochimique des vapeurs, des aérosols et des différentes formes d’eau météorique permettra peut-être de maîtriser le cycle de l’eau atmosphérique : ces origines et modes de formation des précipitations, les bilans de lacs, eau dynamique, lacustre, sédimentation, une bonne compréhension du phénomène de mélange et cerner la décomposition d’hydro-gramme.

Du coup, il sera possible de prévoir à court terme la pluviosité sur les zones critiques mais aussi on pourra lever le voile sur le déterminisme du phénomène de condensation afin que les pluies artificielles voient le jour.

Les eaux du sol sont à la frontière des domaines de l’hydrologue et de l’hydrogéologue. Elles ont été longtemps laissées au seul physicien. Les isotopes y ont joué un rôle important. Ils ont permis de mettre en évidence la diversité des écoulements, l’évaluation quantifiée du taux de recharge et / ou d’évapotranspiration (surtout dans les régions arides et semi-arides).

Ils ont permis d’améliorer les résultats de modélisation prévisionnelle de l’évaluation des ressources en eau souterraine. Les données isotopiques chiffrent ce flux en fonction de paramètres propres du sol (teneur en eau, porosité, tortuosité) et au climat (humidité relative et température) ainsi qu’en fonction des teneurs en isotopes lourds des solutions du sol et de l’atmosphère. Il reste à maîtriser les variations afin de parvenir à calculer des valeurs moyennes d’évapotranspiration d’application générale et sur de vastes zones.

Dans les réseaux de surface, le marquage isotopique naturel (isotopes constitutifs de l’eau) des précipitations et des solutions des sols représente un traçage naturel unique pour aborder l’épineuse question de la décomposition des hydro-grammes de crue.

Mais l’utilisation du tritium s’est montrée difficile. Il ne reste que les isotopes stables, qui dans la pratique, ne
fournissent pas deux variables mais deux fois la même ; puisque dans les eaux météoriques non modifiées par l’évaporation, les teneurs en deutérium et en 18O sont en proportion fixe.

Le bilan isotopique se trouve limité à deux équations à deux inconnus : la part de l’eau souterraine et celle des pluies responsables de la crue dans les débits de crue. Cependant la part d’eau souterraine serait complexe, elle prend en compte plusieurs réservoirs d’eau préalablement stockés dans les sols et au toit de la nappe.

Il faut donc d’autres équations, d’où l’implication des anions apportés par les précipitations (Cl–, Br–) qui sont aussi des marqueurs de l’origine des eaux de pluie. Il est possible semble-t-il d’identifier les proportions les unes des autres dans l’écoulement entre les solutions du sol et les eaux de pluie à partir de la différence de température. La salinité est aussi reconnue comme marqueur.

L’identification de l’origine des eaux souterraines, de leurs mélanges et des causes de leur salinité sont le champ privilégié d’application des techniques isotopiques d’où l’intérêt du marquage annuel en isotopes stables issus des précipitations. Les teneurs en isotopes permettent la détermination des aires de recharge des nappes sur les versants.

Les compositions isotopiques initiales ne subissent aucune modification suite à l’évaporation. Toutefois, le traçage naturel supplémentaire engendré par l’évaporation peut se révéler très commode pour déceler les participations d’eaux lacustres dans les nappes adjacentes à une étendue d’eau stagnante.

Les techniques isotopiques, appliquées dans les karsts favorisent la maîtrise des circulations en apportant d’informations complémentaires sur l’origine des eaux. De même la connaissance des systèmes multicouches complexes soumis à des champs de potentiels verticaux favorables aux mélanges
par drainage ascendante ou descendante, gagne largement aux études isotopiques.

Le rôle hydraulique des accidents structuraux et notamment des failles se trouvent mis en lumière. Hors du domaine poreux, les critères isotopiques se sont révélés décisifs pour identifier ou confirmer la discontinuité des aquifères y compris lorsque le socle cristallin est recouvert d’un épais manteau d’altérite et de colluvions.

La salinité est aussi abordée par les techniques isotopiques. Selon que l’excès de sel sera imputable à l’évaporation, à l’acquisition de sel après infiltration, l’eau montrera ou non un cachet isotopique d’évaporation en s’inscrivant sous la droite des eaux météoriques locales dans le diagramme deutérium-18O.

Les isotopes restent aussi importants dans l’estimation du temps hydrogéologique. Le principe de la méthode présuppose que la variation de teneurs en isotope radioactif est seule fonction du temps passé dans le système alors qu’interviennent de multiples phénomènes hydrogéologiques et très souvent géochimiques.

Toutefois la façon probablement la moins critiquable de déterminer une fonction –temps consiste à ajuster par déconvolution une chronique de sortie d’un système aquifère à la chronique d’entrée que présente l’apport météorique et ou atmosphérique.

C’est dans ce sens que sont intervenues les variations de teneur en tritium thermonucléaire qui ont contribué à proposer des valeurs probablement raisonnables de temps de séjour. Il en est été de même avec le 14C, mais avec des exigences qui limiteraient son application. Les avantages du radiocarbone sur le tritium pour l’étude des recharges sont de plusieurs
ordres :

  • pour les recharges récentes on retient qu’il n’y a pratiquement pas de décroissance, le niveau d’activité est facilement mesurable, et on a une fonction d’entrée bien définie par les teneurs relativement homogènes de l’atmosphère à un moment donné, il offre la possibilité d’inclure facilement l’ère pré-thermonucléaire dans la modélisation.
  • En ce qui concerne les eaux anciennes le chronomètre du 14C s’applique pourvu qu’on ait la preuve de système ouvert. Toutefois la prudence doit être de taille, surtout avec une décroissance de l’activité du carbone inorganique.

L’application de la technique isotopique va ouvrir d’autres champs d’investigation. D’abord ce sont les gaz rares et leurs isotopes. En effet la distribution des gaz rares dans une eau souterraine indique la température au toit de la nappe pour autant qu’aucun phénomène, de diffusion par exemple ne soit venu modifier la composition de la phase gazeuse lors de la traversée du sol.

Les gaz rares possèdent de nombreux isotopes. Ce sont ceux créés par les réactions nucléaires induites par les rayonnements cosmiques, par les neutrons des essais ou des réacteurs de puissance, mais aussi par les réactions nucléaires liées à la désintégration de certains éléments radioactifs dans la croûte. Certains de ces isotopes révèlent d’intéressants caractères de marqueurs de temps et de processus.

On peut citer deux :
  • L’hélium 4 indicateur indirect de temps,
  • L’argon 40 traduit le temps passé au contact de la roche.
  • L’argon 39 représente un radio-chronomètre potentiel complémentaire du 14C pour les eaux vieilles de quelques siècles à un millénaire ; formé sous la radioactivité de la roche elle-même, il permet de prédire le taux de formation d’autres isotopes intéressants pour l’hydrologue ou le géochimiste.

Le 85Kr potentiel de radio-chronomètre adapté aux eaux très anciennes. Après les gaz rares on peut citer le chlorure. Le 36Cl est fils du rayonnement cosmique. Il est encore produit lors des explosions nucléaires maritimes mais aussi par les neutrons de la croûte. Avec lui l’espoir de dater les eaux les plus anciennes par la décroissance de l’apport cosmique initial. Leurs teneurs semblent généralement élevées dans les productions profondes. L’écart à la teneur d’équilibre permet d’estimer le temps de contact avec la roche.

La miniaturisation des analyses ont permis d’ouvrir la porte à d’autres études telles que celles des écoulements non perturbés par les pompages, la recherche de la stratification éventuelle en âge dans les aquifères. Il devient envisageable la datation des épisodes successifs de recharge verticale en zone non saturée. Désormais 2H et 18C peuvent être analysés.

L’eau porte en elle ses pièces d’identité. Ce sont les isotopes et les éléments chimiques que contiennent les eaux elles-mêmes. Leur étude a permis d’obtenir plusieurs informations tant sur leur origine, leur séjour, leur milieu aquifère, leur interrelation que sur des phénomènes tels que l’évapotranspiration et l’infiltration.

Cependant il existe des champs privilégiés pour l’application des techniques d’investigations. Des ères nouvelles s’ouvrent davantage et fondent de grands espoirs au sein des scientifiques de l’eau. Et ceux grâce à la fécondité des investigations
isotopiques.

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