L’Afrique en passe de prendre le leadership mondial de la production de graphite
Dans un rapport publié en août 2022, le cabinet Wood Mackenzie prévoit que l’Afrique deviendra le premier producteur mondial de graphite naturel d’ici 2026. A cette échéance, la production combinée des pays africains devrait en effet représenter 40 % de l’offre mondiale (contre 15 % en 2021), soit mieux que la Chine qui devra se contenter de 35 % de parts de marché (contre 68 % l’année dernière).
Le secteur du graphite vit une ère avec la croissance continue due à la demande en véhicules électriques. Alors que l’avenir de ce secteur s’annonce reluisant, « pour au moins la prochaine décennie », l’Afrique semble en position force. Plusieurs pays vont contribuer à cette performance.
De l’importance du graphite…
Le graphite est un matériau léger, flexible, malléable, compressible, inerte et non toxique. Il possède une forte conductivité thermique et électrique et d’une grande résistance à la chaleur. Qu’il soit naturel ou synthétique, il est essentiel dans plusieurs grands secteurs de l’économie mondiale, en l’occurrence la métallurgie, la sidérurgie, l’énergie ou encore l’automobile. Forme naturelle de carbone pur, on l’utilise dans la fabrication des écrans (ordinateurs, téléphones portables) pour évacuer la chaleur. Il est également utilisé en médecine comme absorbant en cas d’intoxication par voie orale et en usage militaire pour endommager les centrales électriques comme bombe au graphite. Dans les arts plastiques, il est utilisé pour le dessin. Il sert en particulier à fabriquer des crayons, souvent sous l’appellation incorrecte de « mine de plomb ».
Les pays africains producteurs de graphite
Le Madagascar
Selon plusieurs données concordantes, la Grande île de Madagascar est actuellement le deuxième producteur du continent derrière le Mozambique, mais fera bientôt face à l’émergence d’autres producteurs africains comme la Tanzanie, pays où les projets de graphite sont nombreux. Il fait partie des six principaux producteurs mondiaux de graphite aux côtés de l’Inde et de la Chine. Même si la production du pays n’est pas encore de grande quantité actuellement, le graphite de la Grande île se distingue surtout pour sa qualité. « Le Molo, dans le Sud-ouest de Madagascar, se classe comme l’un des gisements de graphite en flocons le plus connu et de la plus haute qualité au monde. Aujourd’hui, la qualité de son graphite en flocons fait la réputation de Madagascar dans le monde entier » vante NextSource Materials, une société canadienne de développement minier, détenteur du projet de graphite Molo. Et cette entreprise n’est pas la seule à reconnaître la valeur de ce produit et à le mettre en avant. Le BlackEarth Minerals NL examine également plusieurs opportunités de traitement du graphite à valeur ajoutée en aval pour son projet de graphite Maniry, toujours dans le Sud du pays. « Le graphite de Maniry répond effectivement aux spécifications requises pour les applications dans les industries des batteries extensibles, réfractaires et lithium-ion », qualifie un média australien. A cet effet, le graphite peut devenir le nouveau filon de Madagascar surtout avec la demande croissante du segment des batteries de véhicules électriques, où le graphite est un élément clé.
Le Mozambique, future superpuissance du graphite
Le sous-sol mozambicain héberge d’énormes ressources de graphite. Les découvertes réalisées depuis 2013 multiplient par 3 les ressources mondiales alors que les réserves prouvées équivalent à environ 52% des réserves mondiales. Le pays abriterait à lui seul des ressources allant jusqu’à 2,7 milliards de tonnes, dont 124 millions de tonnes de réserves prouvées (données datant de 2016). Sur cette richesse se ruent plusieurs compagnies minières, notamment australiennes.
Ainsi, Syrah Resources exploite déjà la mine Balama, qui pourrait représenter à elle seule le tiers de la production mondiale, une fois la capacité maximale atteinte. La société cotée à la bourse ASX a conclu en 2018 plusieurs accords de vente avec des groupes chinois, notamment sur le marché des anodes pour batteries.
Outre Syrah, sont également présents en Mozambique des compagnies minières comme Triton Minerals sur la mine Ancuabe, Graphit Kropfmuhl (GK) sur un autre gisement à Ancuabe, Battery Minerals sur les projets Montepuez et Balama Central, ou encore Balama Resources sur le projet Caula. En dehors de GK, qui exploite déjà sa mine, les autres sociétés ne produisent pas encore, mais sont à des stades assez avancés.
Il est prévu que la production mozambicaine de graphite atteigne 540 000 tonnes/an d’ici 2020, ce qui équivaudrait à 45% de la production mondiale de 2016 (1,2 million de tonnes/an). Cela pourrait permettre au pays de talonner la Chine et de devancer des pays comme l’Inde, le Brésil, la Corée du Nord ou la Turquie.
Tanzanie
Plusieurs gisements de graphite ont été découverts cette décennie en Tanzanie. Le plus important est le projet Bunyu, piloté par la compagnie minière Volt Resources, avec une capacité de traitement de 400 000 tonnes par an. En plus du projet Bunyu, Volt Resources développe le projet Namangale. Magnis Energy Technologies, quant à elle, développe le projet Nachu, d’une capacité de 240 000 t/a et d’une durée de vie de 15 ans, tandis que Kibaran Resources développe le projet Epanko, capable de produire annuellement 60 000 t/a de graphite.
La Tanzanie est l’un des pays africains les plus riches en graphite et avec les divers projets en développement, le pays pourrait vite devenir l’un des trois premiers producteurs au monde. Le projet de graphite Mahenge héberge des ressources minérales mesurées de 31,8 millions de tonnes titrant 8,6 % de carbone graphitique total (TGC) pour 2,7 millions de tonnes de graphite contenu.
Depuis 2020, plusieurs compagnies s’activent en Tanzanie pour devenir le prochain producteur de graphite en dehors de la Chine, pays qui domine encore l’approvisionnement de ce minéral d’avenir.
Zimbabwe
Le Zimbabwe a produit 7000 tonnes de graphite en 2015. Le pays avait classé le premier producteur de graphite du continent africain et le 10e sur le plan mondial. La plus grande mine de graphite du pays demeure la mine de Lynx, opérée par la société allemande Graphit Kropfmuhl (GK).
D’autres pays africains possèdent des ressources de graphite. Citons notamment la Guinée, où la société canadienne SRG Graphite gère le projet Lola, ou encore le Malawi, où Sovereign Metals pilote le projet Malingunde, l’Ouganda ou la compagnie minière Blencowe Resources a lancé les travaux entrant dans le cadre de l’étude de faisabilité définitive pour le projet de graphite Orom-Cross en Ouganda. Prévue pour s’achever au second semestre 2023.
Avec toutes ces grandes mines et réserves de graphite, l’Afrique est donc en train de devenir une superpuissance mondiale de la production de graphite. Mais saura-t-elle en profiter ?