Vers une nouvelle ère pour l’industrie minière africaine : l’heure de la transformation locale et de la souveraineté économique

L’Afrique est à l’aube d’une révolution industrielle majeure, portée par une volonté politique forte de ne plus être simple exportatrice de ressources brutes, mais bien actrice de sa propre transformation économique et industrielle. Alors que la demande mondiale en minéraux critiques explose — cobalt, lithium, terres rares —, les pays africains entendent désormais capter davantage de la valeur ajoutée de leurs ressources naturelles, dans une logique d’industrialisation durable et d’émancipation économique
Cette dynamique est bien plus qu’un simple effet de mode protectionniste ou une forme régressive de “nationalisme des ressources.” Il s’agit d’une réponse stratégique, audacieuse et nécessaire aux défis contemporains du continent : créer des emplois locaux, développer des compétences industrielles, renforcer la souveraineté économique et réduire la dépendance aux marchés mondiaux volatils.
Des exemples concrets montrent que ce virage est déjà amorcé. Le Zimbabwe, avec l’interdiction d’exporter le lithium brut, attire des investissements structurants qui ouvrent la voie à une industrie locale de transformation. Le Botswana intègre la transformation dans ses accords traditionnels, pariant sur un modèle de partenariat renouvelé. Le Ghana, en réformant son marché de l’or artisanal, entend maîtriser sa chaîne de valeur, redynamiser ses filières locales et recentrer les bénéfices à l’intérieur de ses frontières.
Sur la scène mondiale, cette posture s’inscrit dans une rivalité géopolitique exacerbée. La domination chinoise dans le traitement des terres rares et dans l’exploitation du cobalt en République Démocratique du Congo interpelle. En parallèle, les puissances occidentales cherchent à diversifier leurs sources en développant des partenariats plus équilibrés et durables avec les producteurs africains. Ce contexte oblige le continent à jouer finement ses cartes, entre attractivité pour les investisseurs étrangers et protection de ses intérêts stratégiques.
Néanmoins, ce chemin vers l’autonomie industrielle n’est pas sans embûches. La mise en place de politiques protectionnistes doit s’accompagner d’une gouvernance transparente et stable, d’un dialogue constructif avec les partenaires internationaux, et d’une gestion rigoureuse des risques liés aux investissements. Sans cela, le risque de décourager les acteurs économiques ou de perturber les chaînes d’approvisionnement globales est réel.
Au-delà des défis, cette nouvelle ère est une formidable opportunité : celle de réinventer le modèle économique africain, en liant exploitation des ressources, développement industriel et inclusion sociale. C’est une vision ambitieuse, qui appelle une mobilisation collective — gouvernements, industries, société civile — pour bâtir des écosystèmes résilients et compétitifs.
L’Afrique pourrait ainsi devenir un laboratoire mondial de la transformation minière responsable, un modèle d’industrialisation verte et équitable, capable d’offrir à ses populations prospérité, emploi et dignité.
Le temps n’est plus aux hésitations ni aux compromis timides. C’est à travers cette transformation locale que le continent posera les fondations d’une souveraineté économique véritable, tournée vers l’avenir.
Par Pierre-Samuel Guedj, Chroniqueur
Afrimag