Togo : Que devient le projet de Manganèse de Nayega ?
Le manganèse est présenté comme un énième atout pour le continent africain dans l’industrie de demain. Avec plus de 60 % de l’offre mondiale de minerai, l’Afrique joue un grand rôle sur le marché de cette matière première. Alors que le secteur fait face à de nouveaux enjeux entre nouveaux besoins en sidérurgie et demande des batteries électriques, le Togo, qui fondait il y a quelques années de grands espoirs sur son projet Nayega, réussira-t-il à se positionner sur le marché ?
Quatrième métal le plus utilisé dans le monde derrière le fer, l’aluminium et le cuivre, le manganèse est principalement utilisé pour améliorer la résistance de l’acier grâce à ses propriétés de fixation du soufre, de désoxydation et d’alliage. Depuis quelques années cependant, l’intérêt pour cette matière première s’accroît progressivement sur le marché des batteries. Il aide en effet à la stabilisation dans les cathodes des batteries largement utilisées dans les véhicules électriques et l’électronique. Pour plusieurs analystes cités dans le rapport d’Ecofin Pro, la sidérurgie continuera à court terme d’être le moteur de la demande de manganèse alors qu’à moyen et long terme il y a un réel potentiel de hausse de la demande et des prix grâce aux batteries.
Les espoirs suscités par le projet Nayega au Togo
Entre 2018 et 2019, le projet de manganèse Nayega a animé l’actualité minière au Togo. Piloté par la société britannique Keras Resources, il devait faire entrer le pays ouest-africain dans le cercle des producteurs de manganèse. Selon les estimations de l’entreprise, il héberge des ressources minérales de 13,97 millions de tonnes titrant 12,4 % de manganèse et des réserves de minerai de 8,48 millions de tonnes titrant 14 % de manganèse.
Les plans alors annoncés par Keras et sa filiale togolaise Société Générale des Mines (SGM) portaient sur des opérations initiales pouvant permettre de produire du minerai de manganèse. Keras a indiqué qu’il existe un potentiel d’augmentation de la valeur par la production de sulfate de manganèse pour le marché des engrais et des batteries dans une deuxième phase de développement.
En novembre 2019, la compagnie minière annonçait en grande pompe vouloir commencer la production commerciale au premier trimestre 2020 après l’obtention d’une licence d’exploitation. D’une durée de validité de 20 ans, la licence devait couvrir la durée de vie actuelle de la mine (15 ans) et toute augmentation potentielle des réserves de minerai.
Quid novi ?
L’Agence Ecofin qui suit l’actualité du projet Nayega depuis 2013 n’a plus écrit sur le sujet depuis novembre 2019. Selon nos archives, le dernier développement portait alors sur l’annonce par Keras d’une entrée en production prochaine pour le premier trimestre 2020. La société britannique indiquait qu’elle était en train de finaliser avec le ministère togolais des Mines la documentation relative au permis d’exploitation. Selon les détails, le gouvernement togolais aurait dans le projet 10 % de participation gratuite, réduisant les intérêts de Keras dans SGM à 76,5 %. Les opérations devaient débuter à une capacité nominale de 6 500 tonnes par mois de minerai de manganèse commercialisable.
Cette échéance n’a pas été respectée, car aucune mise à jour n’a été faite ni par la société sur son site web ni par le gouvernement togolais. Selon des sources proches du dossier, interrogées par Agence Ecofin, le changement de gouvernement au Togo en octobre 2020 a compliqué les négociations pour Keras. Alors que les dirigeants de la société qui avaient des comptes à rendre à leurs actionnaires ont multiplié les visites à Lomé pour faire avancer le dossier, le nouveau gouvernement togolais a de son côté décidé de se donner plus de temps sur une ressource qu’il considère comme stratégique et sur laquelle il fonde de grandes ambitions. A l’heure actuelle, le projet Nayega est suspendu comme tous les nouveaux projets miniers en attendant que l’État togolais négocie mieux les termes pour en tirer plus de profits.
Un secteur minier toujours porté par le phosphate
En attendant plus de développement concernant le manganèse de Nayega, c’est toujours le phosphate qui devrait continuer de générer la majeure partie des recettes minières du Togo. Si dans ses années fastes (les années 1980 et 1990) le phosphate était la principale source de recettes d’exportation du pays, avec une contribution de plus de 40 %, ce pourcentage a baissé depuis.
Alors que la production de phosphates a baissé de 21,5 % en glissement annuel pour atteindre 800 000 tonnes en 2019 selon les données de la BCEAO, les deux années qui ont suivi étaient meilleures. Le pays a ainsi produit 1,3 million de tonnes en 2020 et 1,45 million en 2021, des niveaux de performance qu’il n’avait plus atteints depuis 2003 selon Togo First.
Rappelons que le gouvernement met en œuvre depuis plusieurs années un plan de plusieurs millions de dollars pour permettre au phosphate de retrouver son importance dans l’économie nationale. Piloté par la Société nouvelle des phosphates du Togo (SNPT), le plan comprend une première phase de réhabilitation et remise à niveau des infrastructures de production vétustes, les deux autres phases portant sur la consolidation et l’industrialisation.
En dehors du phosphate, le Togo produit aussi de l’or sur de petites mines et des pierres utilisées dans la construction. Selon les informations du site Togo First, le pays hébergerait en dehors du phosphate, de l’or et du manganèse, de grandes ressources de fer évaluées à 500 millions de tonnes dans la région de Bassar et des chromites estimées à 50 000 tonnes dans le massif Kabyè.
Agence ecofin