Santé, dignité, prospérité : le triple avantage de l’assainissement

Derrière une ville dynamique, une main-d’œuvre en bonne santé ou une économie solide, se cache une infrastructure trop souvent reléguée au second plan : l’assainissement. Invisible au quotidien, il préserve pourtant la productivité, protège les ressources naturelles et maintient les populations en bonne santé. Là où il fait défaut, pour 3,4 milliards de personnes dans le monde, les conséquences sont immédiates et profondes.

À l’occasion de la Journée mondiale des toilettes qui a lieu ce 19 novembre, un constat s’impose : l’assainissement est un levier puissant de capital humain, d’équité et de résilience, un pilier essentiel du développement économique et du bien-être collectif, selon Saroj Kumar Jha et Doulaye Kone, auteurs d’un article publié sur le site de la Banque mondiale.

Une condition indispensable pour libérer le potentiel humain

Selon ces deux auteurs, mettre en place des services d’assainissement sûrs figure parmi les investissements de santé publique les plus rentables. Ils permettent de prévenir des maladies qui interrompent la scolarité, fragilisent le système immunitaire des enfants et favorisent la malnutrition, autant de facteurs qui freinent les apprentissages et réduisent les revenus à long terme.

Aujourd’hui, une personne sur cinq boit une eau contaminée par des déjections humaines. L’absence d’assainissement alimente ainsi les inégalités, touchant plus durement les populations vulnérables et les communautés pauvres.

Le déficit touche aussi les écoles : 367 millions d’enfants fréquentent des établissements dépourvus de toilettes. Conséquences : baisse de l’assiduité, risques pour la santé, atteintes à la dignité, notamment pour les adolescentes pendant leurs règles. À l’inverse, des installations sanitaires adaptées constituent un moyen simple et efficace de favoriser l’apprentissage et l’inclusion.

Un moteur économique puissant

L’assainissement n’est pas seulement un bien public : c’est un impératif économique. Les carences dans ce domaine coûtent entre 2 et 4 % du PIB chaque année aux pays, en raison des pertes de productivité, de la hausse des dépenses de santé et de la pollution.

Les bénéfices, eux, sont immédiats. Dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire inférieur, chaque million de dollars investi crée une quarantaine d’emplois. En Afrique, un investissement suffisant dans l’assainissement pourrait faire croître le PIB de jusqu’à 5 %. À l’échelle mondiale, la réduction des maladies diarrhéiques permettrait d’éviter 86 milliards de dollars de pertes par an.
Une preuve supplémentaire que des systèmes d’assainissement solides soutiennent la compétitivité, la santé et la fonctionnalité urbaine.

Des progrès concrets sur le terrain

Certaines villes montrent déjà l’exemple. Au Cap, en Afrique du Sud, l’amélioration de la performance de la compagnie des eaux et l’expansion de la réutilisation des eaux usées permettront de fournir, d’ici 2030, des centaines de millions de litres d’eau supplémentaires par jour. Résultat : un service plus fiable pour les populations vulnérables et une meilleure résilience face aux chocs climatiques.

En Inde, la Swachh Bharat Mission illustre la puissance d’une mobilisation nationale. En cinq ans, plus de 500 millions de personnes ont bénéficié d’infrastructures améliorées et 100 millions de toilettes ont été construites. La défécation à l’air libre a reculé de manière spectaculaire, et la mortalité infantile a chuté de plus de 5 décès pour 1 000 naissances dans les districts concernés.
Un investissement particulièrement rentable : chaque dollar dépensé en rapporte plus de quatre. Peu de programmes de santé publique ont eu un impact aussi rapide sur le développement humain.

Comment maximiser l’impact des investissements

Trois priorités s’imposent pour déployer des systèmes d’assainissement efficaces et inclusifs :

  1. Renforcer la gouvernance et optimiser les financements.
    Des cadres réglementaires solides, des plans d’investissement clairs et des mécanismes de financement innovants, combinaison de fonds publics, capitaux privés, finance climatique, microcrédits ou obligations vertes, sont essentiels pour assurer la durabilité des services.
  2. Investir dans des solutions systémiques et inclusives.
    Articuler réseaux d’égouts, systèmes non collectifs et gestion sécurisée des boues de vidange ; intégrer l’assainissement à la planification de l’eau, des eaux urbaines et des déchets solides ; promouvoir l’économie circulaire par la réutilisation des eaux usées et la valorisation des ressources. Autant d’approches pragmatiques pour garantir un accès équitable et renforcer la résilience urbaine.
  3. Miser sur les compétences, les données et l’innovation.
    Le secteur a besoin d’une main-d’œuvre qualifiée et d’outils modernes. Les technologies avancées, les approches circulaires et la réutilisation des eaux usées constituent des réponses essentielles aux pressions croissantes sur les ressources hydriques liées au changement climatique. Elles ouvrent la voie à de nouveaux modèles économiques et à des solutions transformatrices.

Un partenariat pour des systèmes plus solides

Le Groupe de la Banque mondiale et la Fondation Gates partagent une ambition commune : étendre l’accès à un assainissement sûr et inclusif. Grâce au Partenariat mondial pour la sécurité hydrique et l’assainissement et à d’autres initiatives, ils accompagnent les pays dans le renforcement des institutions, la production de données probantes, le test d’approches innovantes et la mobilisation de financements pour généraliser les solutions qui fonctionnent.

Investir aujourd’hui pour prospérer demain

L’équation est simple : investir dans des systèmes d’assainissement modernes et robustes, c’est garantir des familles en meilleure santé, des économies plus productives, des villes plus résilientes et des écosystèmes plus propres. En élevant l’assainissement au rang de priorité nationale, les pays peuvent déclencher une dynamique vertueuse à fort impact, au service des populations d’aujourd’hui et des générations futures.

Hamidou TRAORE

Géo-Canal-Info

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