Pr Urbain WENMENGA (suite et fin)

«La probabilité de trouver des gisements d’uranium est plus grande que pour les hydrocarbures» 

 

 Géo-Canal-Info a rencontré le jeudi 30 septembre 2021 à l’université Joseph KI-ZERBO (UJKZ), le Professeur Urbain WENMENGA, Enseignant-Chercheur/Professeur Titulaire. « Pétrologie » est la mention de son Doctorat, obtenu en 1986, à l’université Blaise PASCAL Clermont-Ferrand II en France. Chercheur prolifique, le Pr WENMENGA est l’auteur de nombreuses communications et publications scientifiques. Au soir de sa carrière universitaire, ce fin pédagogue que décrivent ses étudiants, demeure engagé pour la recherche. Derrière les premières impressions qui traduisent l’archétype du chercheur d’un autre temps, se dissimule un enseignant aux idées neuves, un visionnaire aux positions affirmées ; le fil de l’entrevue nous l’a, peu à peu, révélé. 

 

Un ancien ministre des mines et des carrières avait évoqué la présence du pétrole au Burkina ? En Côte d’Ivoire, on en a récemment découvert. Qu’en est-il du Burkina ? Y a-t-il des arguments scientifiques pour soutenir cela ?

C’est une question à laquelle il est difficile de répondre parce qu’on n’a même pas encore découvert des indices. Nous ne pouvons donc pas parler de gisements. Il faut dire qu’il n’y a pas eu, en réalité, une politique conséquente d’exploration des hydrocarbures au Burkina. Cela fait qu’il s’agit de supputations lorsqu’on parle d’hydrocarbures. Il est vrai qu’en termes de ressources énergétiques, il y a les hydrocarbures. Mais il y a aussi d’autres sources d’énergie qui sont fossiles, que ce soient les hydrocarbures ou l’uranium.

Je vais commencer d’abord par l’uranium. A ce sujet, je pense que nous avons un bon potentiel pour mettre la main sur le gisement d’uranium si une bonne exploration est faite, parce que le contexte géologique y est favorable. Nous avons un contexte dominé par les granitoïdes et aussi toutes les zones de contact entre les granitoïdes et le socle, les terrains sédimentaires, notamment à l’Ouest où il y avait déjà des indices. 

La probabilité de trouver des gisements d’uranium est plus grande que pour les hydrocarbures. Il ne faut pas aller vite en besogne pour ce qui concerne les hydrocarbures, c’est-à-dire qu’il faut investir dans l’exploration. Cela signifie qu’il faut investir : investir en termes de ressources humaines qualifiées ; investir en termes de ressources financières ; investir en termes de logistique.

Il est plus facile de trouver de l’uranium que des hydrocarbures tels que le gaz, le pétole, etc. Les indices pour l’uranium peuvent même être mis en évidence en affleurement parce qu’il existe des appareils comme le spectromètre qui permettent de détecter la radioactivité ou de trouver des anomalies. Cela peut constituer, déjà, un point positif. Par contre, les hydrocarbures se forment généralement en profondeur dans des terrains, des bassins sédimentaires. Ils n’affleurent pas et il faut donc forer.

Malheureusement, sur l’étendue du Burkina, les formations sédimentaires représentent 20% contre 80% pour le socle. Il faut explorer les hydrocarbures dans les 20% de bassins sédimentaires. Ce qui réduit les chances d’en trouver. Mais il est possible d’explorer et de trouver des hydrocarbures, en particulier à deux niveaux.

 Le premier niveau est la couverture sédimentaire du Nord, à partir de Gorom-Gorom en allant. Tout simplement parce que cette couverture sédimentaire va à la prolongation des formations sédimentaires qui sont connues au Mali et en Mauritanie et, dans lesquelles, il y a des indices d’hydrocarbures. On peut donc supposer qu’il y a une bande de dépôts d’hydrocarbures continue. Si l’on émet cette hypothèse, il faut alors faire des recherches. Les taiwanais s’y étaient intéressés il y a quelques années avec le BUMIGEB. Mais aujourd’hui, compte tenu de la situation, cela est plus difficile.

 D’autre part, pour le second niveau, il s’agit du  bassin tertiaire de Gondo dans la fosse de Nouna où le BUMIGEB a montré qu’il y a un corps qui se trouve à près de 8 kilomètres de profondeur et qui pourrait être éventuellement des hydrocarbures, peut-être du gaz ou autre. Mais cela reste à contrôler car ce n’est pas une mince affaire que 8 kilomètres de profondeur. Il faut utiliser de la haute technologie, notamment géophysique et éventuellement des méthodes de sismique.

 Mais on ne se lève pas du jour au lendemain parce qu’on est content ou de bonne humeur, pour aller chercher des hydrocarbures. C’est une exploration et une recherche de longue haleine. Les marocains ont mis une quinzaine d’années avant de découvrir, chez eux, un petit gisement de pétrole. Les maliens et les nigériens ont des gisements de pétrole mais il a fallu des dizaines d’années pour les mettre en évidence.

 Je me dis que s’il y avait de la vision, depuis la création du BUMIGEB dans les années 1975, il aurait fallu attaquer d’emblée, cette question-là ; aujourd’hui, on aurait été situé à ce sujet. Vivement que l’on puisse trouver quelque chose car nous sommes encadrés par des pays pétroliers. Nous ne pouvons pas être condamnés ainsi. Il y a lieu de faire de la prospection, à condition qu’il y ait les ressources humaines adéquates ; pour faire la recherche du pétrole, il nous faut des spécialistes, des géologues formés pour la recherche des hydrocarbures ; des géologues pétroliers.

Vous intervenez, en qualité d’Expert national pour le suivi-évaluation, au niveau du programme d’approvisionnement en eau et assainissement (PAEA).  Où en est ce projet dont les objectifs sont l’amélioration à l’accès, la pérennité et l’efficacité des services d’eau au Burkina ?

Il faut dire que dans mon cursus, j’avais été moi-même enchanté par la formation en sciences de l’eau à l’université d’Orléans. J’ai une maitrise de géologie appliquée. Il s’est trouvé qu’il y avait une proposition du BUMIGEB d’un sujet de thèse dans le domaine de la pétrologie.  Je m’y suis aventuré parce qu’il y avait des moyens qui allaient être mis à ma disposition. Du coup, j’ai quitté Orléans pour Clermont-Ferrand. Je n’ai donc pas pu me former en hydrogéologie à Orléans. Sinon c’est une formation, une filière qui m’intéresse beaucoup, le domaine de l’eau.

 Quand je suis rentré, Pr feu Alain Nidaoua, à la demande du ministère de l’eau, a créé une filière professionnalisante appelée « Sciences et Technique de l’Eau » qui formait des ingénieurs BAC+5. J’ai managé cette filière, bien que je ne sois pas hydrogéologue mais, du fait que j’étais chef de département. Du coup, j’ai quand même un background en hydrogéologie pour avoir fait de la géologie appliquée avec des enseignements puissants de géologie.

 De plus, nous avons, ici, un laboratoire des sciences de l’eau. J’ai donc été copté comme expert au niveau national pour le suivi-évaluation du PAEA pour la prospection de l’eau, à l’Ouest dans le bassin. Je ne sais pas qui m’a proposé mais j’ai eu vent de cela par une correspondance. J’ai accepté de faire l’expertise parce que j’ai un background dans le domaine de l’eau comme je l’ai dit. En plus de cela, il y a un côté géologie du bassin que je connais, avec Clément Ouédraogo qui fait partie du groupe des experts.

A l’étape actuelle, si vous voulez plus d’informations, il faudrait prendre attache avec le PAEA. Aussi, vous pourriez, à l’avenir, chercher à comprendre les projets. Il s’agit ici de l’eau mais il y a aussi les mines. Le BUMIGEB a eu également des projets. Il faudrait échanger avec eux pour des questions de transparence. Pour le PAEA, je participe à des rencontres mensuelles dans le cadre du suivi-évaluation. Il faut dire que c’est un projet qui, actuellement, bat de l’aile. Les dernières réunions ont montré que tout n’est pas au point. Il y a encore des couacs dans la mise en œuvre.

 J’ai dit à une des réunions que j’étais pessimiste. Des contrats sont pris mais dans l’exécution, il y a toujours des problèmes qui surviennent et qui sont parfois difficiles à surmonter. Ils veulent utiliser des méthodes géophysiques de sismique dans l’exploration de ce bassin. Cette méthode est surtout utilisée pour des prospections d’eau jusqu’à des profondeurs de 2000 mètres. C’est une des méthodes qui, entre autres, permettent d’explorer des ressources en eau profondes dans ce bassin. Il s’agissait de faire venir des camions vibrateurs de France. Sans ces camions, on ne peut pas faire des investigations sur le terrain. Il faut donc lever cette équivoque.

Combien d’étudiants estimez-vous avoir formé ?

Il faut savoir que j’ai été chef du Département Géologie de 1989 à 1997. Nous n’étions que deux nationaux dans le département. Il y avait un expatrié. Cela fait que j’ai eu à assumer des enseignements basiques pour le Bachelor, notamment en première année de Chimie-Biochimie-Biologie-Géologie (CBBG) et à l’Institut du Développement Rural (IDR).

Il y avait deux amphithéâtres et dans chaque amphi, on pouvait compter jusqu’à 300 étudiants. J’ai assuré ces enseignements pendant près d’une dizaine d’années. Cela vous donne une idée. J’ai dû céder ces enseignements lorsque sont arrivés de jeunes enseignants. Je me suis alors consacré à la formation en géosciences, de la deuxième année jusqu’en année de maitrise. Lorsque le troisième cycle a été créé, notamment le DEA aujourd’hui appelé Master, j’ai été impliqué dans tous ces cursus-là ; du basique jusqu’à la spécialité master/DEA. Je ne peux pas vous donner un chiffre exact mais seulement une idée. Si je me focalise sur les étudiants en géosciences, je peux dire que j’en ai formé plusieurs milliers en trente ans(rires) Surtout lorsqu’il y a eu le boom minier.

Il y a eu un engouement pour les filières de géosciences. Tout le monde voulait travailler dans les mines et nous avons eu des effectifs très élevés et en particulier en licence dans le système LMD ; dans la mesure où c’est à partir de ce niveau que l’on fait la différenciation. Nous avions des effectifs de 500 étudiants en licence de géologie pendant près de 4-5 ans. Beaucoup d’entre eux, surtout les premiers, ont pu trouver des emplois dans des domaines assez variés.

Le pays compte plus d’une quinzaine de mines. Mais le département de géologie semble délaissé. Au niveau de l’UFR SVT, ce département est impraticable en saison pluvieuse. Toute chose qui contraste avec la situation minière du Burkina. Qu’en pensez-vous ? L’université de Fada est fille du département de Géologie. Peut-on assurer, avec un tel département,  la relève  de la recherche géologique et minière ? 

 

Je pense que le département de géologie de l’UFR/SVT de l’université Joseph KI-ZERBO, est à la croisée des chemins. En termes de ressources humaines et comparativement aux autres départements, vous pouvez faire le constat, celui de géologie est le moins nanti ; ceci par rapport au personnel en termes d’enseignants-chercheurs comparativement aux autres départements, aux autres sciences, notamment les sciences biologiques, biochimie, biotechnologie, etc. En somme tout ce qui concerne la vie.

Cela est dû au fait que beaucoup de personnes qui ont le profil pour être des enseignants-chercheurs, surtout après leurs études, ont préféré partir dans les sociétés minières ou la rémunération est alléchante. Certains ont même obtenu des bourses et nous avons négocié pour qu’après leur doctorat, ils puissent intégrer le département de géologie mais ils ont préféré partir, comme je le disais, dans des compagnies minières ou des bureaux d’études. Ce qui explique que, très tôt, nous ayons végété ici avec un nombre très réduit d’enseignants, jusqu’à un passé récent d’ailleurs. Du coup, il y a eu un déficit en ressources humaines.

D’autre part, il faut noter quelques déchets de la part des enseignants-chercheurs que nous avons recrutés. Ils sont venus et, en deux temps trois mouvements, ils sont repartis dans des organismes internationaux. Nous avons eu au moins trois cas du genre et nous avons ainsi stagné avec un nombre dérisoire d’enseignants. Je pense que maintenant, avec les salaires que l’on cède aux enseignants-chercheurs, et du fait qu’il y ait également un troisième cycle, il y a un engouement.

Nous sommes les derniers à avoir créé ce troisième cycle. A l’UFR/SVT, nous étions les bons derniers en termes de formation doctorale. Dans les autres départements, il y avait déjà une formation doctorale.  Ceux qui sont aujourd’hui enseignants dans ces départements, y ont été formés. Cela a beaucoup joué et je pense que c’est pour cela que nous sommes, dans cet UFR-là, les parents pauvres en matière de ressources humaines ; parents pauvres également en matière de ressources financières et matérielles.

Quand vous avez un projet, il n’y a pas plus d’organismes internationaux qui financent. A chaque fois, on vous demande de vous adresser aux sociétés minières alors qu’il y a des offres de bourses ou des projets pour les autres domaines comme les sciences de la vie, le droit, etc.  De ce côté aussi nous avons été délaissés et c’est vraiment dommage. La coopération avec les sociétés minières n’est pas toujours facile.

Je me souviens de m’être adressé à  une société minière pour solliciter un fonds pour des bourses pour étudiants. J’ai fait écrire des dizaines de correspondances qui sont restées sans suite ; demandes de bourses pour étudiants, demande de soutien matériel et financier pour la formation et la recherche. Il y a aujourd’hui un fonds minier mais la gestion de ce fonds semble un peu opaque. Ce n’est pas évident. Nous venons d’avoir en 2021, le fonds de 2018 alors que le financement est annuel. Il faut dire que lorsque les politiques mettent leur « nez » dans les histoires d’argent, cela devient compliqué.

Il faut savoir que ce fonds minier a été négocié au Conseil National de la Transition (CNT). Le décret a pris du temps avant d’être adopté et quand cela fut fait, son application a également mis du temps. Ce décret a été manipulé parce qu’il a été dit que l’on devait reverser 1% des bénéfices des sociétés minières au profit de la formation et de la recherche en sciences de la terre. Dans ces 1%, on s’est permis de prendre 15% pour le Fonds National pour l’Education et la Recherche (FONER) qui relève des compétences de l’Etat. Le ministère des mines et le BUMIGEB se sont octroyés près de 80%. Et, dans ces 1%, 15% devait revenir au département de géologie. On s’est encore permis de morceler ces 15% pour les partager avec d’autres établissements universitaires publics qui se disent faire de la géologie. Voilà comment nous nous sommes retrouvés au département de géologie avec des miettes.

Que préconisez-vous pour la gestion de ce fonds ?

A ce sujet, j’ai toujours été clair avec mes collègues au moment de nos réunions. Il faut gérer ce fonds à bon escient. Comme je l’ai dit, les exploitations minières ont une durée de vie limitée. Il n’est pas évident que dans dix ans nous ayons ces mêmes privilèges. Il faut que nous soyons scrupuleux dans la gestion et l’exploitation de ces miettes qui nous reviennent. J’ai suggéré que nous puissions construire un laboratoire de géosciences équipé et à niveaux. Nous avons besoin de gros équipements, des équipements de moyenne portée et des équipements de petite portée pour assurer une formation de qualité.

En réalité, la différence entre les enseignants-chercheurs des pays du Nord et nous, ceux du Sud, se trouve dans les infrastructures. Il n’y a pas d’équipements de haute gamme, il n’y a pas d’équipements performants pour faire de la recherche pointue. Nous sommes obligés de nous déplacer pendant les voyages d’études pour aller faire des analyses à l’extérieur. C’est un handicap. Je pense qu’il faut que nous soyons dotés d’équipements, d’un laboratoire et des infrastructures dignes de ce nom. Il faudrait aussi renforcer et diversifier les curricula pour élever la formation à un haut niveau.

Pour exemple, j’ai participé à des projets de recherche pluridisciplinaire ou il y avait des physiciens et des chimistes. J’étais, pour ma part, commis pour la géologie. Mais finalement, on m’a réduit à ma simple expression d’échantillonneur. C’est nous, géologues, qui partions chercher les échantillons et ce sont les autres qui faisaient des investigations en laboratoire. Ils récoltaient des données pointues qu’ils publiaient en nous écartant alors qu’en réalité, nous pouvons assurer nous-mêmes ce travail qui est fait par eux.

Les gens voient en l’environnement, l’écologie ou la toxicologie. Il y a des projets sur l’environnement mais on n’associe pas les géologues. Quand on parle de substances naturelles, les géologues sont souvent exclus alors que l’eau est une ressource naturelle ; les ressources minérales sont des ressources naturelles. Quand on parle d’atmosphère, il s’agit de géosphère, de la terre. Vous allez voir des gens qui se disent être des spécialistes de la physique de l’atmosphère. Ce n’est pas sorcier, nous pouvons le faire.

En France, vous avez des laboratoires de formation sur la terre et la physique de l’atmosphère. Cela relève de la compétence des géologues. Je pense qu’il faut que les plus jeunes se battent pour améliorer les curricula, diversifier et élever le niveau de la formation pour être au rendez-vous sur les projets. Nous avons notre mot à dire à ce sujet.

Que peut-on retenir de votre carrière universitaire et qu’estimez-vous avoir apporté à l’enseignement supérieur ? La relève est-elle assurée ?

C’est vrai que bientôt je vais aller à la retraite quoique je pense que tant qu’on est en bonne santé, il n’y a pas de retraite. Je pense que les européens, les américains, les pays dits développés l’ont bien compris. On peut prendre la retraite au niveau de l’enseignement mais la recherche continue tant qu’il y a l’énergie et la santé. Je crois que c’est ce défi que je veux relever. J’ai encore des étudiants en formation doctorale que je veux suivre jusqu’au bout, même après la retraite académique. Il y a toujours des publications à faire avec eux et personnellement, j’ai encore de quoi m’occuper.

Quant à ma contribution au niveau de l’enseignement supérieur, je laisse le soin (rires) aux autres d’en juger sinon je risque de tomber dans l’autosatisfaction. J’ai occupé des postes de responsabilités. J’ai été chef du département de géologie. J’ai managé et enraciné ce département. Je pense que ce sont les jeunes qui doivent travailler à apporter davantage à ce département. Sinon pour la formation, j’ai contribué à l’élaboration des curricula, à la création de filières en licence de géologie générale, maitrise et master.

Je suis à l’origine de la création du laboratoire de géoressources option ressources minérales, géotechnique. Ce qui est concret, c’est le nombre d’étudiants qui ont reçu mes enseignements et à qui j’ai transmis mon savoir et mon savoir-faire. Vous avez constaté qu’il s’agissait de milliers d’étudiants. C’est une contribution à la formation et à la mise à disposition, de cadres compétents qui travaillent dans des domaines divers. C’est un motif de satisfaction.

J’ai été aussi à l’origine de la formation doctorale. Nous avons une formation doctorale avec des spécialités dans les domaines de la géologie, des géosciences, ressources minérales et aussi au niveau des sciences de l’eau, sciences des sols, etc. Je laisse donc le soin(rires) aux personnes extérieures ou intérieures- ils me connaissent et peuvent m’apprécier- de juger de la hauteur de ma contribution dans cette université et pour l’enseignement supérieur. 

J’ai été récompensé d’une décoration par le Syndicat National Autonome Des Enseignants-Chercheurs (SYNADEC). J’ai contribué à la lutte avec ce syndicat. C’est à l’issue de cette lutte que les salaires ont été augmentés. C’est un sacrifice. Il y en a qui n’ont pas participé à cette lutte mais qui ne crachent pas sur les résultats aujourd’hui.                                        

 Vous avez obtenu votre Baccalauréat Série D au Lycée Philippe Zinda Kaboré en 1976. Que pensez-vous de la fermeture de cet établissement ? Qu’est-ce qui a tant changé en un demi-siècle ?

Il faut dire qu’à notre époque, ce n’était pas si simple que cela parce que les moyens étaient bien rares. Il fallait avoir le courage de travailler dans des conditions difficiles. Je me souviens qu’il y en avait, parmi mes promotionnaires dont certains sont des hauts cadres aujourd’hui, qui se déplaçaient à pied. Si vous alliez au parking, c’était un luxe d’avoir un vélo. Les motos se comptaient sur le bout des doigts. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Le lycée Philippe Zinda Kaboré est un lycée de référence. Je ne sais pas si on a pensé à organiser l’anniversaire de sa création. C’est un joyau qui a été construit, je pense par la coopération française, je ne m’en souviens plus. J’aurais aimé que dans ce pays, d’autres lycées de l’envergure du Zinda en termes d’infrastructures et de formation, soient créés. Mais je n’en ai pas vu.

Le lycée Zinda est à l’image de Philippe Zinda Kaboré qui est un emblème politique pour avoir contribué à la lutte pour l’indépendance de notre pays. Je considère qu’il est une figure emblématique et le lycée qui porte son nom est tout aussi emblématique.

Je déplore la situation que connait actuellement ce lycée. Pour moi, les arguments de cette fermeture ne sont pas convaincants. Il n’y a pas eu un argument fort qui justifie cette fermeture. L’argumentaire selon lequel ce serait un foyer de contestataires constitue, pour moi, un alibi. Combien de fois il y a eu des manifestations, des contestations ou des fermetures ponctuelles ou circonstancielles à l’université de Ouaga. Mais on ne la ferme pas pour autant. Pour moi, fermer un lycée aussi important que le lycée Zinda, relève de la chimère. En termes d’effectifs, le lycée Zinda constitue 4-5 d’établissements de 1000 élèves.

Avec notre pays qui est en proie à l’insécurité, beaucoup d’écoles primaires et secondaires sont fermées de longue date. J’estime que c’est jeter le pavé dans la mare. C’est aggraver une situation qui n’avait pas du tout besoin de cela. Il faut aussi comprendre que faire machine arrière n’est pas signe de défaite. C’est peut-être même un signe fort de patriotisme, de clairvoyance. Il aurait fallu plutôt, à mon avis, rouvrir ce lycée-là parce que le lycée Zinda a formé beaucoup de cadres et continue d’en former. Il y a très peu de cadres et, dans beaucoup de domaines, qui ne sont pas passés par le lycée Zinda.

Aujourd’hui, il ne s’agit pas, comme le dit un proverbe, de jeter une pierre sur ce lycée, mais plutôt une motte de terre. La fermeture n’est pas la solution. On doit faire preuve d’un plus grand esprit de lecture. En ce moment où nous sommes confrontés à l’insécurité aussi bien rurale qu’urbaine, il faut à mon avis, privilégier le dialogue. Nous parlons tous les jours dans les médias de dialogue social, de cohésion sociale et de réconciliation. Ce ne doit pas être de vains mots. Il faut les appliquer pour qu’il y ait de la sensibilité dans cette terminologie.

Evidemment, s’il y a des fauteurs de trouble, ils doivent être sanctionnés ; et la vie continue. Toutes les sanctions sont possibles pourvu qu’on n’y mette pas de la violence. Il y a 3000 ou 4000 élèves et je ne suis pas convaincu qu’ils soient tous des récalcitrants ou des enfants indisciplinés. C’était l’occasion de montrer que l’on pouvait résoudre des problèmes par le dialogue social et c’aurait été un signe fort.

Je me sens quand même frustré parce que je suis passé par le noble Zinda(rires). A notre époque, on nous traitait de bandits parce que nous étions entreprenants mais nous n’étions pas si indisciplinés que cela. Aujourd’hui l’indiscipline, ce n’est pas le fait de faire des grèves. C’est autre chose. Ces jeunes-là sont versés dans la prostitution, la drogue, le tabagisme, l’alcoolisme et ce ne sont pas des travailleurs. C’est cela qu’il faut combattre dans tous les établissements et certainement au lycée Zinda. On peut constater que les choses, depuis notre génération, se sont dégradées. C’est moral, c’est psychologique et il faut travailler là-dessus.

 Le mot de la fin. Ce que nous n’avons pas pu aborder et qui vous tient à cœur. Votre cri du cœur ?

Je pense que nous avons évoqué toutes les questions pertinentes. Je crois que le développement de ce pays doit être fondé sur le capital humain. C’est vrai que l’on peut avoir toutes les machines du monde, tout l’argent du monde mais il faut miser sur le capital humain. Sans un tissu social cohérent, des spécialistes et des patriotes, on ne peut pas assurer clairement le développement d’un pays. C’est pour cela qu’il faut mobiliser les ressources humaines qualifiées, spécialisées et les accompagner avec les ressources financières et matérielles, parce qu’on dit que la fin justifie les moyens. Cela n’est pas suffisant. Il faut que les acteurs soient des progressistes, des patriotes ; des gens qui veulent d’abord le développement du pays avant leur auto développement. Ça c’est important.

Il travailler à promouvoir les géosciences parce que ce sont des sciences du développement. Des sciences du développement notamment lorsqu’il s’agit des géosciences appliquées à la recherche des ressources naturelles ; utiles et vitales au développement.

Je ne sais pas s’il y a un pays où l’on ne boit pas de l’eau. Mais cette eau, il faut la chercher. Cela se fait à travers les compétences géo scientifiques. Les géosciences peuvent apporter beaucoup aux secteurs de l’élevage et de l’agriculture, notamment à travers la valorisation de la culture des agro minéraux. C’est une manière de lutter contre l’utilisation des pesticides. C’est aussi une façon d’enrichir sainement les sols.

Nous savons que les mines ici sont source de devises. Au premier plan, nous avons les ressources minérales et l’exploitation de l’or. Là aussi, on peut trouver une source de développement pour le pays. L’année dernière, on m’a laissé entendre que les mines ont apporté plus de 1900 milliards au pays. Cela reste à confirmer mais si c’est confirmé, je crois que cela représente pratiquement le budget de notre pays. Ce n’est pas négligeable.

Ces mines ne tombent pas du ciel. C’est l’intelligence humaine qui est à l’origine de leur découverte. Il faut donc encourager la formation des technologues miniers burkinabé capables de prendre, à un moment donné, leurs responsabilités dans l’exploitation minière. Je pense qu’à ce moment, nous pourrons engranger des bénéfices plus importants pour le pays. Je pense que si nous avons la vision d’investir dans le capital humain compétent et scrupuleux, nous allons bon an mal an, sortir de notre sous-développement.

Propos recueillis par Abrandi Arthur Liliou

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