Pourquoi l’Afrique doit investir dans des infrastructures de transport adaptées au climat
Avec sa grande vulnérabilité au changement climatique, l’Afrique est confrontée à un choix décisif : continuer de subir des pertes économiques colossales dues à des infrastructures inadaptées ou investir dans des solutions résilientes pour garantir son développement durable. Les infrastructures de transport, souvent les premières affectées par les catastrophes naturelles, représentent un enjeu clé. Pourtant, investir dans des systèmes climato-résilients n’est pas seulement une nécessité environnementale, mais aussi une opportunité économique majeure.
Selon le rapport de la Banque mondiale intitulé « Financement de l’action climatique pour les transports dans les pays en développement », chaque dollar investi dans des infrastructures résilientes peut générer un retour de quatre dollars. En Afrique subsaharienne, où les besoins pour adapter les infrastructures atteignent 57 milliards de dollars par an, cela équivaut à des gains potentiels de 228 milliards de dollars annuels. Pourtant, l’inaction persiste, et les coûts liés aux inondations, à l’érosion et aux interruptions de service augmentent rapidement, menaçant des économies déjà fragiles.
Des exemples concrets montrent qu’un avenir différent est possible. Au Mozambique, des routes résistantes aux inondations, construites après le cyclone Idai en 2019 avec l’aide de la Banque mondiale, ont permis de réduire les pertes économiques lors des intempéries suivantes, en assurant la continuité du trafic et de l’accès aux zones isolées.
En revanche, certains projets visant à limiter l’impact des catastrophes naturelles ne concernent pas directement les infrastructures de transport, mais contribuent à protéger les routes et les zones résidentielles. C’est le cas du projet Greater Accra Resilient and Integrated Development (GARID) au Ghana, financé à hauteur de 150 millions de dollars par la Banque mondiale. Ce programme ciblant la gestion des risques d’inondation dans le bassin de la rivière Odaw, profite ainsi à plus de 2,5 millions de personnes. Bien que ce projet ne consiste pas en la construction directe de routes climato-résilientes, il vise à réduire les inondations récurrentes qui menacent gravement les infrastructures de transport et le développement économique de la région. L’impact dévastateur de l’inondation de juin 2015, ayant causé des pertes estimées à plusieurs dizaines de millions de dollars à Accra, souligne l’urgence de ce type d’interventions.
La question de la résilience climatique dans le développement des projets d’infrastructures publiques prend de plus en plus d’ampleur dans les pays africains. Cela a été clairement souligné lors des discussions tenues en mars dernier à Kigali par les experts de l’Union africaine sur le climat, dans le cadre du sixième Sommet africain sur l’investissement résilient au climat. Cet événement a mis l’accent sur l’élaboration de nouvelles normes de construction, la mobilisation de financements innovants, ainsi que sur l’importance de partenariats solides pour développer des infrastructures climato-résilientes. Bien que peu de projets concrets aient été présentés, les participants ont souligné l’urgence d’intégrer la résilience dans la planification des infrastructures.
Cependant, malgré ces avancées, le financement reste un obstacle majeur. À la COP29, les pays en développement ont appelé à des engagements financiers annuels de 1 000 milliards de dollars pour lutter contre le changement climatique. Mais la réalité est alarmante : les projets de transition énergétique et d’infrastructures climato-résilientes en Afrique peinent à attirer les investisseurs.
Alterra, le plus grand fonds privé mondial pour la lutte contre le changement climatique, en est une illustration. Créé lors de la COP28, ce fonds prévoyait de mobiliser 250 milliards de dollars pour des projets climatiques, d’ici 2030. Pourtant, seulement 6,5 milliards ont été engagés à ce jour, répartis sur sept stratégies gérées par des géants comme BlackRock ou Brookfield. Concernant l’Afrique, Alterra pointe du doigt des freins structurels tels que l’instabilité politique, les régulations fluctuantes et les risques élevés liés aux partenariats public-privé.
Cette situation souligne l’urgence pour les gouvernements africains de mettre en place des cadres réglementaires fiables et transparents. Sans garanties solides ni stratégies adaptées, les ambitions de transition énergétique risquent de rester lettre morte, laissant les infrastructures essentielles vulnérables et les économies locales fragilisées.
L’inaction, quant à elle, a un coût exorbitant. Les infrastructures inadaptées entraînent des pertes économiques estimées à 10 % du PIB annuel dans certaines régions, notamment au Sahel. Chaque dollar investi aujourd’hui constitue une garantie pour l’avenir : un avenir où les communautés sont connectées, où les économies locales sont protégées, et où le continent peut enfin exploiter pleinement son potentiel humain et économique. Les gouvernements africains et leurs partenaires internationaux doivent agir sans délai. Si le statu quo persiste, le prix de l’inaction sera bien plus élevé que celui de l’investissement.
Agence ecofin