À quel point l’arsenic peut-il porter atteinte à la santé humaine ou à l’environnement ? Un consensus scientifique dans ce dossier.
L’arsenic est une substance toxique qui provient à la fois de certaines activités humaines et de la croûte terrestre. L’homme est principalement exposé à l’arsenic par le biais des aliments et de l’eau de boisson, particulièrement dans certaines régions ou l’eau souterraine entre en contact avec des minéraux contenant de l’arsenic. À quel point l’arsenic peut-il porter atteinte à la santé humaine ou à l’environnement ?
Ce dossier est un résumé fidèle du rapport scientifique de consensus produit en 2001 par le Programme International sur la Sécurité Chimique (IPCS) : “Environmental Health Criteria for Arsenic and Arsenic Compounds (EHC 224)”.
Qu’est-ce que l’arsenic ?
L’arsenic est un élément naturel qui se comporte comme un métal. Sa présence dans l’environnement est à la fois naturelle et due à certaines activités humaines. L’arsenic se présente sous de nombreuses formes différentes. Il peut exister sous une forme organique ou inorganique, l’arsenic inorganique étant généralement considéré comme étant plus toxique.
Diverses méthodes de laboratoire permettent de mesurer la présence d’arsenic. Certaines permettent de distinguer différentes formes d’arsenic et certaines de mesurer avec précision de très petites quantités.
D’où vient l’arsenic présent dans l’environnement ?
Dans le milieu naturel, on trouve de l’arsenic assez abondamment dans la croûte terrestre, et en petites quantités dans la roche, le sol, l’eau et l’air. On le retrouve dans de nombreux minéraux différents. Environ un tiers de l’arsenic dans l’atmosphère provient de sources naturelles, comme les volcans ; le reste résulte d’activités humaines. À cause de la contamination géologique
naturelle, de fortes concentrations d’arsenic peuvent être observées dans l’eau potable provenant de puits profonds. C’est particulièrement le cas au Bangladesh. Des procédés industriels tels que l’exploitation minière, la fonte de minerais et les centrales électriques au charbon contribuent tous à la présence d’arsenic dans l’air, l’eau et le sol. La contamination de l’environnement est également imputable à des pesticides agricoles et à des substances chimiques utilisées dans le traitement du bois qui contiennent de l’arsenic.
L’arsenic se présente sous différentes formes et une partie de l’arsenic est transportée d’un milieu à un autre de l’environnement où il peut changer de forme. L’arsenic dans les roches érodées ou dans le sol peut être emporté par le vent ou l’eau. De nombreux composés de l’arsenic se lient au sol et sont déplacés sur de courtes distances quand l’eau filtre à travers le sol. Quand l’arsenic est émis dans l’atmosphère par des procédés industriels ou des activités volcaniques, il se fixe sur des particules qui sont dispersées par le vent et retombent sur le sol. Les microbes dans le sol et les sédiments libèrent aussi des substances contenant de l’arsenic dans l’atmosphère. Celles-ci sont alors transformées en d’autres composés de l’arsenic qui se fixent à nouveau sur le sol.
Quels sont les niveaux d’exposition à l’arsenic ?
Les concentrations d’arsenic dans l’environnement varient. Dans l’air, les niveaux sont les plus bas dans les régions retirées et rurales, plus élevés en milieu urbain, et les plus élevés près des sources industrielles. Dans l’eau, les niveaux d’arsenic sont les plus bas en eau salée, plus élevés dans les rivières et les lacs, et les plus élevés dans les eaux provenant de zones souterraines
contenant de la roche volcanique ou des dépôts de minéraux riches en arsenic. Les niveaux de fond de l’arsenic dans le sol et les sédiments augmentent en présence de sources – naturelles ou d’origine humaine – de contamination par l’arsenic.
Les quantités d’arsenic présentes dans les animaux, plantes et microbes vivants varient. Ces quantités dépendent du niveau de contamination locale et du type d’organisme, certains organismes ayant tendance à accumuler l’arsenic dans leur corps. On retrouve généralement l’arsenic chez les animaux marins à des concentrations plus élevées que chez les animaux d’eau douce, ou plantes et animaux terrestres. Les plantes terrestres peuvent accumuler les composés de l’arsenic en les puisant dans le sol et/ou par le dépôt des particules présentes dans l’air sur les feuilles.
L’homme est exposé à l’arsenic principalement à travers la nourriture et l’eau. La nourriture en constitue généralement la principale source, sauf dans les régions où l’eau de boisson est naturellement contaminée par l’arsenic. Les quantités d’arsenic inhalées par les non-fumeurs sont infimes, sauf dans les régions polluées par les industries. Les fumeurs inhalent de l’arsenic,
ce dernier faisant partie des quelques milliers de substances chimiques présentes dans la fumée du tabac. L’exposition à l’arsenic sur le lieu de travail peut être assez forte, mais les concentrations dans l’air sur le lieu de travail sont contrôlées dans de nombreux pays.
Que devient l’arsenic dans le corps ?
Quand une personne inhale de l’arsenic suite à sa présence dans des particules en suspension dans l’air, la quantité absorbée par le système sanguin dépend de deux facteurs : de la solubilité et de la taille des particules contenant l’arsenic.
Ceci étant dit, la majeure partie de l’arsenic dans le corps provient de l’alimentation. Dans l’intestin, les composés de l’arsenic solubles présents dans la nourriture sont vite absorbés par le système sanguin. De nombreux composés de l’arsenic sont rapidement transformés et éliminés du corps par l’urine. Cependant, il y a des différences
d’une personne à l’autre dans leur capacité à se débarrasser des composés de l’arsenic.
La quantité d’arsenic dans le corps peut être évaluée en mesurant l’arsenic – ou les substances contenant de l’arsenic – présent dans des échantillons de sang, d’urine, de cheveux ou d’ongles.
L’arsenic disparaît rapidement du sang, dès lors les mesures dans le sang ne nous renseignent que sur de fortes expositions récentes, comme les empoisonnements, ou les expositions à long terme si celles-ci sont répétées et fortes. Les concentrations dans l’urine constituent le meilleur outil de mesure pour les expositions récentes, tandis que les concentrations dans les cheveux et les ongles peuvent révéler des informations sur les expositions passées.
Quels sont les effets de l’arsenic sur les animaux de laboratoire ?
L’arsenic peut avoir des effets néfastes sur les animaux de laboratoire, mais certaines formes d’arsenic sont plus toxiques que d’autres. La mort peut être l’une des conséquences quand les expositions sont suffisamment élevées pour causer un empoisonnement ou un cancer. L’arsenic peut également endommager de nombreuses parties du corps, dont la peau, l’intestin, les
poumons, le coeur, les vaisseaux sanguins, le système immunitaire, le système urinaire, les organes reproductifs et le système nerveux. Les chromosomes, qui contiennent le matériel génétique à l’intérieur des cellules du corps, peuvent également être endommagés par l’arsenic.
Quels sont les effets de l’arsenic sur l’environnement ?
Les organismes vivants, qu’ils soient terrestres ou aquatiques, réagissent de diverses façons à une exposition à l’arsenic. Les effets dépendent de la forme chimique de l’arsenic, de la nature du milieu environnant et de la sensibilité biologique propre à chaque espèce.
Des individus ou des populations entières peuvent être touchées. Les effets néfastes comprennent entre autres la mort, une mauvaise croissance et une incapacité à se reproduire.Là où l’arsenic a contaminé l’environnement naturel, le nombre d’espèces différentes recensées est fortement réduit.
Quels sont les effets de l’arsenic sur la santé de l’homme ?
Si une personne avale une grande quantité d’arsenic, sous une forme qui peut être facilement absorbée, cela peut entraîner un empoisonnement rapide et le décès de cette personne. L’intestin, le coeur et le système nerveux sont touchés.
Ceux qui survivent à un empoisonnement aigu peuvent développer des taches de pigments sur la peau ou souffrir de dommages au niveau des globules rouges, de la moelle osseuse (où sont produites les globules sanguins), du foie, des nerfs et du cerveau.
Une exposition à long terme à des niveaux élevés d’arsenic dans l’eau de boisson peut engendrer un épaississement de la peau ou l’apparition de taches de pigments sur la peau, ainsi que le cancer de la peau, des poumons, de la vessie ou des reins. L’exposition sur le lieu de travail – principalement via l’air inhalé – peut provoquer le cancer des poumons. Fumer augmente encore ce risque de cancer.
Le fait d’ingérer de l’arsenic à long terme, principalement à travers la consommation d’eau de puits contaminée, a engendré à Taiwan une maladie appelée “maladie du pied noir” (“blackfoot disease” en anglais).Les vaisseaux sanguins de la jambe et du pied sont endommagés, ce qui a pour résultat que le pied devient froid, insensible et finalement gangréné.
Que s’est-il passé dans les régions où l’eau de boisson est fortement contaminée ?
L’eau de boisson de sources non polluées ne contient normalement que de faibles quantités d’arsenic. L’eau de boisson de puits souterrains peut être fortement contaminée dans certaines régions où la nappe phréatique est en contact avec l’arsenic naturellement présent dans les minéraux.
Cela peut constituer un problème sérieux dans des pays tels que le Bangladesh, le Bengale de l’Ouest en Inde, et Taiwan. Au Bangladesh, bon nombre de personnes boivent régulièrement de l’eau de boisson contenant plus de 5 fois – et jusqu’à plus de 100 fois – la concentration habituelle d’arsenic. Les habitants de ces régions ont souffert d’effets néfastes sur la santé tels que cancer de la peau et altérations de la peau.
Que recommandent l’OMS et le CIRC (ou IARC) concernant l’arsenic ?
Des organes internationaux ont évalué l’arsenic par le passé : l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a établi une valeur guide de 10 μg/litre pour l’arsenic dans l’eau de boisson, et d’après le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC ou IARC) il existe suffisamment de preuves pour conclure que “l’arsenic et les composés de l’arsenic” peuvent provoquer le cancer chez l’homme.
Conclusions
L’arsenic est une substance chimique libérée par la croûte terrestre suite à des processus naturels ou certaines activités humaines. Il peut exister sous forme organique ou inorganique, l’arsenic inorganique étant généralement considéré comme étant plus toxiques. Les concentrations d’arsenic dans l’environnement varient. Les niveaux d’arsenic inorganique – généralement plus toxique – sont les plus élevés : dans l’air, près des sources industrielles ;
dans les nappes phréatiques, dans les régions où a lieu une contamination géologique naturelle ; dans les sols ou sédiments, près de sources de contamination.
Les concentrations d’arsenic organique – moins toxique – sont particulièrement fortes chez les animaux marins et par conséquent dans le poisson et les fruits de mer. L’homme est exposé à l’arsenic principalement par le biais des aliments et de l’eau, mais l’arsenic peut également être inhalé. Après avoir été absorbé par le système sanguin, l’arsenic est
rapidement transformé et éliminé du corps par l’urine.
Les organismes vivant dans l’environnement réagissent de façons diverses à une exposition à l’arsenic. Celle-ci peut se traduire par la mort, une mauvaise croissance et une incapacité à se reproduire. Là où l’arsenic a contaminé l’environnement naturel, le nombre d’espèces différentes recensées est fortement réduit.
Chez l’homme, lorsqu’une personne avale une forte quantité d’arsenic inorganique (plus toxique), sous une forme qui peut être facilement absorbée, cela peut porter atteinte à l’intestin, au coeur et au système nerveux, entraînant un empoisonnement rapide et même le décès de cette personne. L’eau de boisson de sources non polluées ne contient normalement que de faibles quantités d’arsenic. Cependant, dans certaines régions, comme au Bangladesh, où une contamination géologique naturelle a lieu, l’eau de boisson de puits peut contenir de fortes concentrations d’arsenic inorganique. De telles concentrations peuvent affecter la peau et sont associées à des risques plus élevés de cancer de la peau, des poumons, de la vessie et des reins.
Une exposition à de l’air contaminé sur le lieu de travail peut provoquer le cancer du poumon. L’arsenic et les composés de l’arsenic ont été classés comme étant cancérigènes pour l’homme, et des valeurs guides pour l’eau de boisson ont été établies.