Orpaillage, environnement et agriculture : la Guinée cherche un compromis
Le gouvernement guinéen a décidé de suspendre l’activité des mineurs artisanaux d’or à cause de la campagne agricole en cours. Bien que représentant plus du double des exportations d’or industriel, l’exploitation artisanale a en effet de graves conséquences pour l’environnement et l’agriculture.
La Guinée a décidé d’interdire momentanément l’exploitation artisanale de l’or et du diamant à partir du 1er juin 2024. La mesure rapportée cette semaine par plusieurs médias locaux et internationaux aurait été prise pour « les besoins de la campagne agricole en cours, de la restauration écologique et en vue d’éviter les risques d’éboulement des terres ».
Cette décision conjointe des ministres des Mines, de la Décentralisation et de l’Environnement met en lumière l’un des problèmes récurrents du secteur de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE), aussi bien en Guinée que dans d’autres pays africains. Il s’agit de l’utilisation de substances toxiques dans l’extraction et le traitement des minerais, notamment l’or. Selon un rapport du ministère guinéen de l’Environnement, ce sont par exemple 42,08 tonnes de mercure, produit réputé toxique, qui ont été utilisées en 2018 dans l’EMAPE, afin de produire 32,36 tonnes d’or.
« Dans les zones d’EMAPE spécifiques d’utilisation du mercure, les principales maladies touchant les artisans miniers sont : la silicose, la tuberculose pulmonaire, la pneumonie et la bronchite, les maladies rénales, les douleurs articulaires, les attaques cardiovasculaires », indique le rapport.
Les auteurs précisent aussi que « l’accroissement incontrôlé des activités de l’EMAPE » a entrainé une réduction de terres cultivables d’environ 30 à 40 % et une diminution de la population agricole au profit de l’exploitation minière artisanale de l’or.
La Guinée a pourtant adhéré en 2013 à la Convention de Minamata qui prévoit l’élimination de l’utilisation du mercure dans l’EMAPE, afin de protéger l’environnement et la santé des populations des conséquences de ce produit. Comme d’autres producteurs africains d’or, le pays a pourtant du mal à éliminer l’usage de ce produit dans l’exploitation minière artisanale.
Troisième producteur africain d’or en 2022, le Mali fait aussi face à l’utilisation du mercure dans le secteur minier, ainsi qu’à ses conséquences néfastes. Selon une étude réalisée au Mali en 2018/2019, 33,3 t/an de mercure sont utilisées dans le secteur de l’EMAPE d’or. Utilisés dans plus de 80 % des sites miniers, les produits toxiques ont un impact sur l’environnement et la qualité de vie des populations.
« Les risques pour l’environnement recensés sur les sites miniers sont en grande partie liés à l’usage de produits chimiques, tels que le mercure et le cyanure, qui affectent la faune, la flore, les ressources hydriques, le sol et l’air », explique un rapport conjoint du ministère malien de l’Environnement, d’ONU-Environnement et de l’Artisanal Gold Council.
Malgré ses conséquences, l’exploitation minière artisanale représente une source de revenus importante pour les États africains et leurs citoyens. Selon l’étude de 2018/2019 suscitée, 512 605 personnes travaillent dans l’EMAPE d’or à travers tout le Mali. Le secteur rapporterait « environ 729 milliards FCFA par an, soit 1,23 milliard $ », et le revenu moyen d’un mineur serait de 5 167 $, avec une fourchette allant de 618 $ à 9 904 $.
En Guinée, les exportations d’or artisanal ont atteint environ 58 tonnes en 2022, soit près du triple des exportations d’or industriel (environ 22 tonnes), selon les statistiques officielles. Au Ghana, le secteur emploie directement environ un million de personnes et fournit des moyens de subsistance à environ 4,5 millions de personnes. Les revenus d’exportations d’or représentent plus de trois fois ceux générés par le cacao, l’un des secteurs les plus touchés par la dégradation du couvert végétal causé par l’exploitation artisanale.
Il faut dire que le poids économique et financier du secteur rend difficiles les mesures de lutte contre les pratiques normalement interdites. Cependant, des efforts peuvent être faits pour concilier les priorités des mineurs avec ceux d’autres secteurs économiques.
Au Ghana par exemple, les autorités tentent depuis quelques années d’accompagner les mineurs dans la formalisation du secteur, après avoir tenté de réprimer sans succès l’exploitation minière illégale. Plusieurs projets sont mis en œuvre pour les aider à adopter des techniques d’exploitation durable, notamment en leur fournissant des équipements et des technologies de traitement de l’or sans mercure. Il faudra attendre les prochains mois pour voir si l’interdiction gouvernementale en Guinée s’inscrit dans une stratégie similaire.
Agence ecofin