Aperçu sur les ressources en eau souterraine au Burkina Faso

Les eaux souterraines sont de plus en plus sollicitées partout dans le monde. Les potentialités diffèrent d’un milieu à un autre en fonction de la géologie, du climat et bien d’autres facteurs. Les résultats d’une étude menée par A. M. MacDonald et al, (2012) montrent qu’en Afrique, seuls les pays du Nord possèdent des réserves d’eau souterraines très importantes.

C’est-à-dire là où les formations sédimentaires sont très épaisses. Seuls ces pays regorgent des aquifères capables de fournir des débits pouvant atteindre 18 m3/h. En revanche, les pays dans le précambrien sont très pauvres en eaux souterraines.

À ce sujet, le Burkina Faso est classé parmi les pays à très faibles réserves, et ne permettant pas la pratique de l’agriculture irriguée à partir des eaux souterraines. Cependant la réalité est tout autre. Des forages à gros débits sont réalisés à travers le pays. En fait, la diversité géologique offre des systèmes aquifères différents, capables de produire des débits satisfaisants.
La connaissance de facteurs de productivité permet de réduire le taux d’échec des forages.

Mieux, la recherche de forages à gros débit connait un fort taux de réussite de nos jours au Burkina Faso. L’agriculture irriguée à partir des eaux de forage est déjà en marche dans le pays. Vue les potentialités en eau souterraine, cette pratique peut être encouragée. Au-delà des questions comme le chômage, la faim et la pauvreté qu’elle contribuera à résoudre, elle présente un impact positif sur l’environnement immédiat

Le contexte général

Le Burkina Faso, vaste de 274200 km2 est situé au coeur de l’Afrique de l’Ouest. Il fait frontière avec le Mali au Nord et à l’Ouest, la Cote d’ivoire, le Benin, le Togo et le Ghana au sud et enfin avec le Niger à l’Est (voir figure 1).

Une population estimée à environ 18 million y mène diverses activités économiques dont les principales demeurent l’agriculture, l’élevage, l’exploitation minière. Ces secteurs activités, leviers de notre développement connaissent un essor depuis quelques années. L’expansion véritable de ces secteurs dépendra des ressources eaux souterraines disponibles.

En effet, le pays bénéficie d’une seule saison de pluie (de Mai à Octobre). En plus, la géologie et la géomorphologie sont défavorables à la construction d’ouvrages pour la mobilisation des eaux de surface là où le besoin se fait sentir. Ainsi, de plus en plus les eaux souterraines sont sollicitées pour l’agriculture, l’élevage, l’exploitation minière, la construction des infrastructures…

L’agriculture est le domaine le plus investi. Elle absorbe plus de 60 % de la population. Avant c’était une agriculture familiale, pratiquée à l’aide d’outils rudimentaires et entièrement dépendante des eaux de pluies. Aujourd’hui nombreux sont ceux qui interviennent avec des outils modernes. Mieux quelques agriculteurs expriment une indépendance vis-à-vis de la pluviométrie au cours de l’année. Ils offrent l’hivernage en pleine saison sèche grâce à l’utilisation des eaux souterraines.

L’encouragement de la pratique agricole irriguée demande avant toute chose, une évaluation des ressources en eau souterraine à travers tout le pays. Cette évaluation permettra la localisation des zones favorables à la pratique agricole. Alors, nos ressources en eau souterraine sont-elles capables de soutenir une politique d’agriculture irriguée durable ?

Il est certain, qu’au-delà de la lutte contre la pauvreté, le chômage et la faim que pourrait viser l’encouragement de la pratique d’une agriculture irriguée, des impacts positifs sur l’environnement immédiat seront observés. L’élevage au Burkina Faso est en train de prendre une autre forme. On observe des éleveurs de plus en plus sédentaires sur des espaces encore plus réduits. Il est organisé dans des fermes, des ranchs ou à l’intérieur des familles. Cette sédentarisation se fait autour des points d’eaux souterraines (forages).

Le secteur minier est en pleine expansion, on a plusieurs mines en exploitation et de nombreux sites d’orpaillages font du secteur le premier produit intérieur brut. L’on dénombre plusieurs permis d’exploration minière. La recherche de l’uranium, du pétrole et d’autres substances spécifiques sont désormais intégrées dans le programme national de recherches géologique et minière du pays.

Ainsi, les eaux souterraines sont une fois de plus, très sollicitées (consommation, traitement du minerai, construction…) du fait du manque ou de l’absence d’eau de surface. L’accès à l’eau potable pour la consommation reste un défi énorme à relever.

Les populations font toujours face à des pénuries d’eau de façon récurrente à travers tout le pays. Ce phénomène se justifie par l’absence ou l’insuffisance d’ouvre d’exploitation d’eau soit par les contextes hydrogéologiques défavorables, soit par un système d’exploitation et ou de distribution inadéquat.

Aussi, faut-il remarquer que les pollutions, les contaminations des nappes souterraines constituent un phénomène qui contribue au Burkina Faso à réduire considérablement le taux de couverture en eau potable. En effet, on assiste très souvent à des fermetures ou à abandons de point d’eau du fait de concentration élevée en Nitrate, arsenic… ce qui anéanti par conséquent les efforts en matière d’approvisionnement en eau potable.

Les ensembles hydrogéologiques au B F

Le socle au Burkina Faso est constitué de 80% de formation cristalline (précambrien). Les formations sédimentaires sont constituées essentiellement de grès (au sud-ouest), l’infracambrien et le continental terminal de nature argilo-sableuse (au Nord).

Plusieurs phases tectoniques ont été enregistrées par ces différentes formations géologiques (Figure 2). En témoignent les différentes directions structurales. Les plus fréquentes et remarquables sont celles de direction NE-SW. Trois ensembles hydrogéologiques se dégagent à partir de la description géologique :

1. Les granitoïdes qui se subdivisent en deux sous-ensembles,

Les granitoïdes précoces, caractérisés par un faible recouvrement d’altérites et de nombreuses fractures.
Les granites récents, eux sont peu fractures. L’épaisseur de la couverture altérée est très peu importante et non saturée.

2. Les formations volcaniques et sédimentaires métamorphisées.

Ces formations sont caractérisées par des épaisseurs d’altérites très importantes.

3. Les formations sédimentaires

Les formations récentes, qui sont des formations d’alluviales très peu rependues. Elles se forment préférentiellement en bordure des cours d’eau. D’une très faible épaisseur, elles sont exploitées par des puisards. Les formations sédimentaires et néo-protérozoïques du bassin de Taoudéni et du continental terminal.

Le mode de gisement des eaux

Dans le socle précambrien, Le système aquifère est de manière globale fait mention de trois types :

Les aquifères supérieurs ou de surface

Ce type de réservoir se localise dans les dépôts superficiels d’alluvion, de sable limoneux et andésitique au niveau des dépressions, cuvettes et bordures des cours d’eau. Ce sont les nappes temporaires de regs, les nappes dunaires, les nappes alluviales et les nappes de fond de mare.

Les aquifères inférieurs d’altérite et/ou fissures

Les formations qui les constituent sont essentiellement des produits d’altération en profondeur et la frange fissurée au-dessus de la roche saine.

Les aquifères de failles.

Ils sont localisés au niveau des fractures profondes et des zones broyées d’extension multi-kilométrique de largeurs variables. Leur alimentation est par conséquent favorisée à partir des circulations des eaux souterraines drainées par les couloirs tectoniques.

Dans le sédimentaire ancien et du continental terminal on enregistre : Le système aquifère superficiel Il est représenté généralement par le complexe fluvio-lacustre du Continental Terminal qui forme une nappe très régulière et de grande extension au Burkina. Son épaisseur varie de 10 à 30 mètres.

Le système aquifère profond

Il correspond à la partie fissurée et fracturée par un réseau de méga-linéaments traversant les grès, calcaires, silexites et schistes. Ces formations sont compartimentées par des réseaux de failles ouvertes (perméables) de direction NW–SE et de failles étanches de direction SW-NE. À ce titre, le système aquifère profond est considéré comme discontinu.

Des facteurs de productivité Plusieurs études ont permis de déterminer des facteurs de productivité afin de minimiser le taux d’échec dans l’exécution des forages. Ces investigations ont aussi permis de déterminer les
potentialités hydrauliques suivant les formations géologiques.

Les épaisseurs fissurées (EF) influencent la productivité des forages. Les EF < 50 m (dans les granites) et les EF < 60 m (dans les schistes) sont les meilleures en termes de productivité et de taux de succès de forages dans le Nord du pays. La tranche la plus productive se situe entre 35 et 55 m de profondeur. (Kafando, 2014). Ainsi, en général les forages ont des profondeurs moins de 70 m.

La longueur de l’anomalie structurale est très déterminante dans la productivité en eau souterraine en milieu de socle cristallin. Une condition particulière pour l’obtention d’un forage à débit élevé est de le situer sur une méga-fracture longue de 5 kilomètres au moins. La productivité est accrue si on le situe à l’intersection de deux mégastructures (Nakolendoussé, 1991).

La zone broyée induite par la ou les discontinuités affectant le substratum doit avoir une extension latérale de cinquante mètres au moins (Nakolendoussé, 1991). Au Nord, les anomalies structurales les plus productives sont celles dont les extensions latérales sont comprises entre 60 et 160 m (Kafando, 2014).

La direction dominante des filons de quartz et de pegmatite cartographiés sur le terrain donne la direction des failles productrices (Nakolendoussé, 1991). Les anomalies structurales les plus favorables dans le Nord sont celles de direction N60 à N180 ; N40 à N60 et N120 à N160 (Kafando, 2014).

Les épaisseurs d’altération (EA) jouent le rôle de collecteur et ou de réservoir et contrôlent en partie la productivité des forages (Nakolendoussé, 1991et Kafando, 2014). Dans le sahel Burkinabé, les meilleurs débits sont enregistrés dans les forages dont les EA < 25 m en zone granitique.

Dans les schistes, le taux de succès et la productivité s’améliorent au fur et à mesure que les altérations sont épaisses (Kafando, 2014). Cependant, la présence d’affleurements ne constitue toujours pas un facteur défavorable à une bonne productivité en eau souterraine. Elle favorise souvent l’infiltration et donc la réalimentation des nappes aquifères (Nakolendoussé, 1991).

Les potentialités en eau souterraine

Une collecte de résultats de quelques forages à travers le pays nous permet d’évaluer les potentialités en eau souterraine au Burkina Faso. Il s’agit de la localisation de forages dont les débits sont respectivement supérieurs 10 m3/h et 20 m3/h (voir figures 5 et 6). Dans le sahel Burkinabé sur 271 forages positifs on note une profondeur moyenne de 58,5 m. Les venues d’eau en moyenne sont entre 38 et 50 mètre de profondeur.

Le débit moyen est 3,4 m3/h avec un niveau piézométrique moyen de 20 m sous le sol (Kafando, 2014). Afin de ne pas influencer les moyennes, cette statistique n’intègre pas les forages dont les débits sont supérieurs à 20 m3/h. Mais la distribution des débits reste fonction de la géologie, et de la géomorphologie dans la région.

La géologie du Burkina Faso, n’est pas seulement constituée du précambrien. On a aussi du sédimentaire comme l’infracambrien, le continental terminal, et grès du bassin de Taoudéni.

Cette diversité géologique offre au pays des ensembles hydrogéologiques divers. De ce fait on dénombre plusieurs types de systèmes aquifères avec des propriétés hydrauliques différentes en relation avec les contextes climatiques, géologiques et géomorphologique du milieu

Au Burkina Faso le précambrien donne des résultats de forage d’eau satisfaisants (voir figures 5 et 6). En fait, le socle a été affecté par plusieurs phases tectoniques, en témoignent les différentes directions des failles tectoniques.

Les failles précoces ont rejoué sur les précédentes et provoqué donc, leur nette ouverture. C’est là l’origine de l’importante place du précambrien Burkinabé dans la recherche des eaux souterraines. On y enregistre plusieurs forages de débits supérieurs à 20 m3/h.

À titre d’exemple, on peut citer le forage de 80 m3/h à NIOKO (Ouagadougou) appelé champ de captage de NIOKO et qui servait de zone d’expérimentation de l’Office National de l’Eau et Assainissement (ONEA). Nos zones sédimentaires regorgent d’énormes potentialités en eau souterraines. On retient le forage Christine de plus de 100 m3/h dans le sahel burkinabé.

Également dans le continental terminal où des forages capent dans l’infracambrien en dessous, des débits importants (supérieurs à 20 m3/h). Cette zone pourrait contenir des aquifères capables de produire des débits remarquables, vue la position de cette zone par rapport à la plaine de Gondo et les fractures en bordure. Les grès du bassin de Taoudéni dans le Sud-ouest constituent le château d’eau du pays.

Les profondeurs des forages, les niveaux piézométriques et les profondeurs des venues d’eau nous permettent de dire que le coût de la réalisation d’un forage au Burkina est moyen. Son exploitation par des pompes manuelles reste possible. Mieux l’utilisation de pompes électriques munies plaques solaires est une réalité au Burkina et demande à être encouragée.

Les ressources en eau au Burkina Faso sont capables de soutenir une politique d’agriculture irriguée. En effet des études indiquent que pour le ménage et l’agriculture irriguée à l’échelle communautaire, ou pour un système d’adduction en eau potable, il faut un forage capable de produire à un débit compris entre 0,5 l/s et 5 l/s (1,8 – 18 m3/h).

Au même titre, pour une agriculture commerciale il faut un débit supérieur à 18 m3/h. Alors les aquifères capables de fournir des débits supérieurs à 20 m3/h sont localisés à travers tout le pays.

Cependant, des actions doivent être développées pour le suivi et le contrôle de la qualité des eaux souterraines, la prévention des pollutions des nappes souterraines. Les études d’impact environnementales doivent désormais prendre en compte les contextes hydrogéologiques des zones concernées afin de contribuer au développement durable souhaité par tous.

Conclusion

Le Burkina Faso regorge d’énormes potentialités en eau souterraine. Le précambrien, le continental terminal, l’infracambrien et les grès de Taoudéni présentent des systèmes aquifères importants. On rencontre des débits élevés dans toutes les formations.

La connaissance des facteurs de productivité permet de réduire le taux d’échec, et constitue un guide pour la rechercher des gros débits. Le précambrien au Burkina est très productif et des investigations doivent se poursuivre pour des débits de plus en plus importants.

Les profondeurs des forages n’empêchent pas une exploitation manuelle et aussi le coût de l’ouvrage est abordable. Vue les débits que fournissent les forages, et les débits souhaités pour l’agriculture irriguée, il est possible de développer cette pratique agricole au Burkina Faso.

La recherche de forages à gros débit doit être une priorité afin d’opérationnaliser les pôles de croissance à travers le pays. Mais une prise en charge de la préservation de la qualité des eaux souterraine reste un passage obligé pour un développement durable.

Sayoba KAFANDO

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