En Côte d’Ivoire, face à l’urbanisation sauvage, le parc du Banco, « poumon vert » d’Abidjan, se barricade
La réserve de 3 474 hectares, décrétée forêt protégée en 1929, est notamment menacée par les coupes de bois des habitants et l’explosion démographique.
« Nous avons notre Grande Muraille de Chine ! », s’exclame Victor, un ouvrier sur le chantier : au cœur d’Abidjan, le parc national du Banco se protège contre une urbanisation sauvage qui ne cesse d’empiéter sur les limites du « poumon vert » de la capitale économique ivoirienne.
D’ici trois mois, un mur long de 10 kilomètres devrait ceinturer ce parc qui jouxte les communes les plus populaires de la plus grande métropole du pays. L’objectif : stopper « l’extension d’Abidjan » qui se fait « sans la moindre préoccupation de la préservation ou de la restauration du patrimoine naturel », avait critiqué fin octobre 2021 le ministre ivoirien des eaux et forêts, Alain Richard Donwahi.
Forêt classée depuis 1929, le Banco est avec Tijuca à Rio de Janeiro au Brésil, le seul parc constitué de forêt dense primaire situé au cœur d’une grande agglomération. « En six ans, l’explosion démographique suivie d’un boom des constructions anarchiques ont grignoté le parc du Banco », affirme à l’AFP l’écologiste ivoirien, Tom Thalmas Lasme.
L’immense réserve de 3 474 hectares, érigée en parc national en 1953, « abrite une trentaine de végétaux en voie de disparition en Afrique de l’Ouest », ajoute t-il. Mais les riverains n’hésitent pas à s’infiltrer dans le parc pour abattre des arbres et en faire du bois de chauffe ou pour en chasser les animaux.
« Indispensable »
Longé par une voie express sur sa partie ouest, le parc a aussi été victime de « plusieurs incendies causés par les mégots de cigarettes jetés maladroitement par des automobilistes », rappelle aussi Roger Manet, un riverain de 58 ans.
Alors l’Office ivoirien des parcs et réserves (OIPR) qui gère la faune et la flore protégées du pays a entrepris la construction de ce mur, dont les travaux sont financés par le Japon et le gouvernement ivoirien.
« Pour éviter que ce poumon vert d’Abidjan ne disparaisse à cause de la déforestation et pour renforcer son assise foncière, nous avons érigé une clôture en béton, explique Adama Tondossama, directeur général de l’OIPR. La forêt du Banco absorbe le gaz carbonique et rejette l’oxygène indispensable aux 6 millions d’Abidjanais. » Cette réserve naturelle permet également « la régulation du régime de pluviométrie et joue un rôle important dans la recharge de la nappe phréatique approvisionnant la ville d’Abidjan en eau potable », explique le lieutenant colonel Fousséni Coulibaly, responsable du parc du Banco.
La barrière doit également permettre de sécuriser la forêt, présentée parfois comme « un refuge pour évadés », en raison de sa proximité avec la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), la plus grande prison du pays. Et d’en faire « une destination pour les touristes », insiste le patron de l’OIPR, qui rappelle que la forêt dispose de 80 km de pistes cyclables.
« C’est la première fois qu’on visite une forêt aussi proche d’une grande ville. C’est intéressant de pouvoir couper un peu de la ville un peu bruyante pour venir en forêt et profiter de la nature », se réjouit Laurent Pigagnon, un Mauricien en promenade dominicale dans la forêt. « On doit tout faire pour préserver cette forêt, abonde Issiaka Kamaté, un autre promeneur. Sans elle, on aurait beaucoup de malades à Abidjan. »
« Pour les générations futures »
L’entretien de cette grande forêt urbaine coûte 200 millions de francs CFA par an (305 000 euros), selon l’OIPR, qui espère davantage de « subventions du gouvernement afin de la préserver pour les générations futures ».
La Côte d’Ivoire dispose de 14 parcs et réserves qui s’étendent sur 2 millions d’hectares, représentatifs des différents écosystèmes du pays, selon l’OIPR.
Le pays n’a plus que 3 millions d’hectares de forêts, contre 16 millions dans les années 1960, en raison de la déforestation massive engendrée par la culture du cacao, dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial. Chaque année, selon les chiffres officiels, pas moins de 300 000 hectares disparaissent.
Le Monde avec AFP