Burkina-Le barrage de Boulmiougou poursuit sa disparition

Depuis plus d’une décennie, le barrage de Boulmiougou est dans un état particulièrement préoccupant pour tous ceux qui s’intéresse aux ouvrages hydrauliques. Il est quasiment complètement noyé par des plantes envahissantes. Cet ouvrage dont dépendaient des milliers de riverains pour leur activités génératrices de revenus disparait au fil des années dans une grande indifférence. Des riverains lancent un SOS.

Le barrage de Boulmiougou est situé à la sortie Ouest, sur la RN1, dans l’arrondissement n°06, secteur 27 au quartier Gangdogo de Ouagadougou. Il symbolise les dangers que constituent les plantes aquatiques envahissantes. En faisant tout le tour de cette retenu, nous constatons que son lit est quasi entièrement couvert de ces plantes envahissantes. A vu d’œil, ce barrage a fini par prendre l’aspect d’un vaste champ de riz. Selon les scientifiques, le type de plante qui a plus que les autres colonisées le barrage s’appelle la typha domingensis (nom scientifique). Les parties où l’eau est visible sont clairsemés d’autres types de plantes que sont les nénuphars, une catégorie de plantes aquatiques envahissantes. Cette colonisation du barrage par ces plantes n’est pas sans conséquences non seulement sur la qualité, la quantité mais aussi et surtout, sur les conditions de vie des populations riveraines. La question qui s’impose est celle de savoir pourquoi ce cours d’eau en envahi par ces plantes aquatiques.

Mauvaises pratiques agricoles

Les experts hydrauliques s’accordent sur certains facteurs qui provoquent l’avènement et la prolifération des plantes aquatiques dans une retenue d’eau. Si le barrage de Boulmiougou se meurt aujourd’hui, c’est en raison de ces causes. L’homme est généralement à la base de ces facteurs. Moustapha Congo, ancien Secrétaire permanent de la Gestion des Ressources en eau (SP/GIRE) pointe un doigt accusateur vers les pratiques de l’homme : « Il est toujours important de rappeler que le développement des plantes aquatiques envahissantes et les autres maux sont le résultat de nos mauvaises pratiques et attitudes ». En effet, les mauvaises pratiques dont il parle sont celles liées aux pratiques agricoles. En effet, l’usage des intrants agricoles comme les pesticides, les herbicides et les engrais chimiques tels que le NPK1. Une des premières conséquences de cet usage est l’enrichissement progressif des retenues d’eau en azote et en phosphore. Ce qui va entrainer la prolifération des plantes aquatiques en générales et des plantes aquatiques envahissantes en particulier. D’ailleurs, plusieurs personnes continuent de la maraicher-culture dans le lit du barrage. On y cultive des choux, de la tomate, des concombres, de la salade, etc.

A cette pratique anthropique, M. Moustapha Congo indique certaines plantes aquatiques envahissantes sont venues d’ailleurs, d’autres pays. Mais malheureusement, elles « n’ont pas voyagé avec leurs prédateurs qui les mangeraient pour assurer leur équilibre. C’est pourquoi, ces plantes prolifèrent très rapidement ». En plus, le docteur Louis R. Ouedraogo, phyto-écologue des milieux humides ajoute un autre facteur : le dérèglement climatique comme cause de développement de ces plantes nuisibles.

Conséquences ?

Les experts s’accordent pour dire les plantes aquatiques envahissantes entrainent des impacts négatifs sur la qualité de l’eau voire sur la quantité. Par exemple, elles entrainent le phénomène de l’eutrophisation. En effet, les plantes aquatiques, en particulier les espèces à croissance rapide, peuvent absorber excessivement les nutriments (azote et phosphore) présents dans l’eau.  Ce qui est nuisible pour les poissons qui s’y trouvent. D’ailleurs les riverains assurent que le barrage n’a pratiquement plus de poissons comme avant. Certains avaient fait de la pêche leur principale activité génératrice de revenu qui leur permettait d’assurer les besoins fondamentaux de leurs familles. Outre, la présence de ces plantes peut modifier la circulation d’eau. En plus, leur présence massive fait baisser la quantité de l’eau. C’est d’ailleurs ce que les riverains ont constaté. Le barrage a perdu une grande partie de sa capacité.  Et cette perte a mis en péril des activités de plus de 5 000 personnes qui dépendaient directement de ce barrage. Un ancien gardinier reconverti en vendeur pièce de motocyclette détachée se rappelle que les riverains organisaient des opérations d’arrachage, mais la rapidité de la prolifération de la plante a eu raison de leur volonté pour sauver le barrage. « Nous regardons impuissant notre barrage qui nous donnait à manger, payer l’éducation de nos enfants, nous donnait du boulot… mourir. Les plantes ont pris la place de l’eau… », nous confie commerçant. Ils lancent un SOS pour sauver ce barrage qui continue de perdre

Malheureusement, le barrage de Boulmiougou n’est pas un cas isolé de retenue d’eau envahie par les plantes aquatiques envahissantes dans la ville de Ouagadougou. Les barrages n°1, 2 et 3 sont également victime de ce phénomène mais pas à la même envergure que le barrage de Boulmiougou.  Il faut saluer l’action de l’Agence de l’eau du Nakambé qui, avec la mobilisation des populations riveraines ont pu débarrasser une bonne partie de ces trois barrages de leurs leur jacinthe d’eau (catégorie de plante envahissante).

Hamidou TRAORE

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