Les bouteilles usagées, gagne-pain des PDI à Ouagadougou
A Ouagadougou, les bouteilles en plastiques abandonnées dans les poubelles sont réutilisables par les femmes. Donner une seconde vie aux bouteilles usagées : une activité à hauts risques.
Elles sont une vingtaine récupératrices des bouteilles usagées à Ouagadougou. Elles sont toutes des femmes déplacées internes (PDI) qui font la collecte et le tri des bouteilles en plastique usagées. Revendues sur place, les recettes procurent un moyen de subsistance à ces mères de familles qui ont fui leur village du fait du terrorisme. En cette matinée du lundi 27 mars 2023 il est 09h lorsque nous arrivons sur le site de tri à Ouagadougou non loin de l’ancien quartier camp fonctionnaire, côté sud de la cathédrale.
Une cliente à bord d’un véhicule, est en train d’acheter ces bouteilles en plastique à notre arrivée : « Si j’ai besoin de bouteilles c’est ici que je viens m’en procurer, c’est une façon pour moi de les encourager »nous déclare- t-elle
Mariam Kabore âgée de plus de 80 ans, mal -voyante, collecte et revend les bouteilles plastiques. Elle est la première à s’installer sur le site. Les autres femmes PDI l’ont rejoint après. Ce qui lui confère le statut de cheffe du site : « C’est par manque de moyen que je me retrouve à vendre des bouteilles car je n’ai personne pour m’aider, mon unique enfant est décédé et je suis seule c’est pourquoi j’ai décidé de faire ce travail » explique- t- elle.
Comme Mariam, la plupart des occupantes des lieux n’ont pas le moindre soutien familial : « Je suis veuve, mon mari est décédé ça fait longtemps et m’a laissé avec un enfant qui souffre d’une maladie chronique. Par manque de moyen je n’arrive pas à l’amener à l’hôpital, je me débrouille avec la vente des bouteilles afin de payer des médicaments et de la nourriture pour moi et mon enfant » témoigne à son tour Mamounata Sawadogo déplacée interne et porte-parole du groupe. Elle renchérit : « je ne gagne pas beaucoup de bénéfice et souvent je n’arrive pas à aller chercher des bouteilles par ce que moi-même je suis malade ».
En effet certaines femmes quittent le site tous les matins à la recherche des bouteilles plastiques usagées dans différentes artères de la capitale burkinabé. Parfois, elles s’en procurent sur place en gros pour ensuite les revendre en détail. Installées sans autorisation préalable des autorités communales, ces femmes font parfois face à des ennuis pour occupation anarchique des lieux. Il arrive donc que la police municipale y effectue des descentes et emporte des ballots de bouteilles. Comme ce fut le cas lors de la 28è édition du FESPACO tenu du 25 février au 04 mars 2023 : « Ce jour-là nous avons coulé des larmes toute la journée car ce qui a été emporté valait plus de 50.000Fcfa, avec la morosité du marché cette saisie nous a compliqué l’existence » nous confie la porte-parole.
Après cet incident ces dames ont dû abandonner leurs activités pour un bout de temps. C’est après les festivités du Fespaco qu’elles se sont réinstallées sur le site : « C’est grâce à la bienveillance du propriétaire du domaine que nous sommes encore présentes, nous ne payons pas l’espace qu’on occupe » soutient-elle. L’une des difficultés majeures est que ces dames en quête de leur pitance quotidienne dorment à la belle étoile, à la merci des moustiques.
« Pendant la saison pluvieuse nous nous couvrons avec des sachets, quand la nuit tombe et il pleut nous nous abritons sous les appâtâmes des boutiques voisine jusqu’ à ce que la pluie cesse, nous n’avons pas le choix à part dormir dehors » soutient Mamounata Sawadogo.
Les bouteilles récupérées sont vendues par lot de 2 ou 3 : elles vendent 3 petites bouteilles à 50f et 2 grandes de 1 litre à 100f. Elles s’en tirent avec un bénéfice de 100f à 250f par jour : « Les clientes viennent beaucoup mais il arrive des fois qu’on n’a pas des bouteilles plastiques, faute d’argent pour en commander »., propos d’Awa Ouédraogo.
Installées sans autorisation sur le site ces femmes en désespoir de cause appellent les personnes de bonne volonté à les secourir afin qu’elles sortent de la précarité.
Alexandre Zagre