Plusieurs pays africains en passe de devenir producteurs de Terres rares
L’Afrique dispose de grandes réserves de terres rares. Toutefois, il a fallu attendre fin 2017 pour voir la première mine de terres rares du continent entrer en production. Il s’agit de la mine Gakara, opérée au Burundi par la compagnie minière Rainbow Rare Eath (RRE). Jouissant actuellement du statut d’unique producteur de terres rares d’Afrique, RRE, qui ambitionne de devenir « un fournisseur stratégique clé pour le marché mondial des terres rares » est également l’un des rares producteurs en dehors de la Chine. D’autres pays s’activent à la rejoindre malgré le cout élevé de l’investissement dans les terres rares et la rentabilité qui n’est pas forcément à court terme.
Les terres rares sont un groupe de 17 éléments chimiquement apparentés sous forme minérale, notamment le scandium, l’yttrium et les quinze lanthanides (y compris le néodyme et le praséodyme). Ils font partie des métaux essentiels à la transition énergétique, à cause de leur utilisation dans les aimants des turbines éoliennes. Ces métaux ont des propriétés magnétiques et optiques utiles et prisées par plusieurs secteurs.
Ils sont ainsi utilisés dans des fabrications de haute technologie, dans les voitures électriques et hybrides (pour alléger les batteries et composants des moteurs), les panneaux photovoltaïques et les éoliennes. On les retrouve également dans les puces de smartphones, les écrans d’ordinateurs portables, les tableaux d’affichage des stades, la robotique, l’aéronautique, les lasers médicaux. L’industrie de la défense les utilise pour fabriquer des capteurs de radars ou sonars, mais également des systèmes d’armes et de ciblage.
Les terres rares ne sont pas aussi rares que le laisse penser leur nom. Elles sont même assez répandues, comme certains métaux de base. Par exemple, le cérium est aussi répandu dans l’écorce terrestre que d’autres métaux plus usuels comme le cuivre. Mais ils sont généralement mélangés à d’autres minéraux, ce qui rend leur extraction et leur raffinage coûteux, surtout lorsque les normes environnementales doivent être respectées.
En dehors du Burundi, d’autres pays africains comme l’Afrique du Sud, ou encore la Namibie, la Tanzanie et l’Angola pourraient commencer la production de terres rares.
En 2017, Rainbow Rare Earths a réussi l’entrée en production de la première mine de terres rares d’Afrique. Mais depuis que le gouvernement du Burundi a bloqué les activités sur cet actif en 2021, la société a décidé d’accélérer sur d’autres projets, notamment en Afrique du Sud.
Ainsi, elle a publié le lundi 3 octobre 2022, une évaluation économique préliminaire pour son projet de terres rares Phalaborwa en Afrique du Sud. Selon les résultats, ce dernier peut livrer 26 208 tonnes d’oxydes de terres rares (néodyme, praséodyme, dysprosium et terbium) sur une durée de vie de 14,2 ans.
Sur cette période, le projet devrait en outre générer 3,6 milliards $ de revenus, une estimation basée sur un prix de vente moyen 28 % inférieur à la moyenne enregistrée sur le marché depuis le début de l’année. Pour construire les infrastructures nécessaires, il faudra investir 295,5 millions $, une somme qui sera récupérée deux ans seulement après l’entrée en production de la mine.
La valeur actuelle nette du projet est estimée à 627 millions de dollars, avec un taux de rentabilité interne de 40 % après impôts et un EBITDA moyen de 192,2 millions par an. La compagnie devrait maintenant progresser dans l’élaboration d’une étude de faisabilité, dernière évaluation économique majeure avant le développement d’un projet minier.
En Namibie, le projet Lofdal peut livrer environ 2 000 tonnes d’oxydes de terres rares (TREO), dont 117 tonnes de dysprosium et 17,5 tonnes de terbium, deux métaux utilisés dans les aimants des turbines éoliennes. La durée de vie de la mine est par ailleurs estimée à 16 ans. C’est ce que révèle une évaluation économique préliminaire (PEA) publiée le lundi 3 octobre 2022 par Namibia Critical Metals, le propriétaire canadien du projet.
Pour mettre le gisement en production, il faudra un investissement initial de 207 millions $, avec à la clé un délai de récupération des fonds de 3,2 ans après le paiement des impôts. Quant aux revenus, la compagnie s’attend à des flux de trésorerie de 698,7 millions $ sur la durée de vie du projet et à un taux de rentabilité interne de 28 %, après impôts. La valeur actuelle nette du projet s’élève à 391 millions de dollars, après impôts.
Les investissements pour mettre en production un gisement s’élèvent à plusieurs centaines de millions de dollars sur une dizaine d’années, qui doivent être amortis malgré des coûts élevés et un marché imprédictible.
En Angola, la compagnie minière a annoncé le lundi 3 octobre un protocole d’accord avec un acheteur, afin d’écouler 25 % de la future production d’oxyde de terres rares de son usine de Saltend dans la banlieue de Hull en Angleterre. L’installation assurera en effet la transformation de la matière première provenant de la mine de terres rares Longonjo en Angola.
« Cet accord représente une avancée significative dans notre objectif de fournir un approvisionnement indépendant et durable en aimants en terres rares pour les industries des véhicules électriques et de l’éolien offshore », explique Paul Atherley, président de la compagnie minière britannique.
Pour le moment, l’identité de l’acheteur n’a pas été dévoilée, ni le montant de cette transaction, car les négociations ne sont pas terminées. Au niveau opérationnel, il s’agit néanmoins d’un potentiel argument supplémentaire pour accélérer le développement du projet Longonjo et permettre à l’Angola de rejoindre le rang des producteurs de terres rares.
Longonjo héberge 767 000 tonnes de réserves de terres rares selon un rapport publié par la compagnie minière Pensana en septembre 2022. Cette estimation a permis à la compagnie de confirmer une durée de vie de la mine de 20 ans.
En Tanzanie, l’australien Peak Resources veut lancer la construction de la mine de terres rares Ngualla d’ici la fin 2022. C’est l’annonce faite le 22 juillet 2021 par la compagnie minière australienne qui précise qu’elle va, pour cela, négocier des accords de financement et de prélèvement au cours des prochains mois.
Selon les estimations de Peak Resources, son projet Ngualla héberge des réserves de minerai de 18,5 millions de tonnes titrant 4,8 % d’oxyde de terres rares (REO) et des ressources minérales atteignant 214,4 millions de tonnes à 2,15 % de REO. Pour exploiter ce potentiel, la compagnie devra investir 200 millions $.
En parallèle aux efforts entrepris en Tanzanie, rappelons que Peak Resources s’efforce de mettre en place une raffinerie au Royaume-Uni, afin de traiter le concentré de terres rares qui sera produit à Ngualla.
Reste à savoir si ces pays seront disposés à supporter le coût environnemental de cette industrie insalubre et aussi profiter au maximum de cette exploitation pour créer de l’emploi à la jeunesse et lutter contre la pauvreté.