Burkina-Pollution minière à Mogtedo : De l’eau contaminée au cyanure dans la nature

Le 23 janvier 2025, une inquiétante fuite d’eau polluée au cyanure s’est échappée du champ d’exploitation de la société minière Orezone dans le village de Nobsin, dans la commune rurale de Mogtedo, située dans la province du Ganzourgou (région du Plateau-Central). Cette eau contaminée s’est un bas-fond servant à la culture du riz. Des arbres, le sol, la rivière Nobsin, etc ont été contaminés. Des animaux qui s’y abreuvaient en ont été contaminés et en sont morts. Une situation qui suscite de vives inquiétudes au sein des communautés qui redoutent les effets actuels et futurs de cette pollution sur leur santé et leur environnement de façon générale. La mine reconnait les faits et dit être disposée pour des dédommagements des victimes.

Selon M. Alira Analira, directeur de l’environnement et des relations avec les communautés de la société canadienne Orzone, la fuite d’eau de la mine est causée suite à une cassure de tuyaux lors du pompage de la boue mêlée d’eau après le processus de récupération de l’or. Un témoin direct du village nous confie avoir être le premier à voir le déluge d’eau quitter la clôture en fil de fer construite par la mine. Il tente alors de joindre les personnes de la mine. Son interlocuteur le rassure que c’est une eau qui n’aurait pas de problème. Ce n’est que lorsque les animaux qui, aussitôt ayant bu cette eau ont commencé à faire des convulsions et mourir que les responsables de la mine se résolvent à venir.

Des animaux et un environnement de un à trois kilomètre contaminés ?

La fuite d’eau s’est propagée dans un bas-fond que des agriculteurs utilisaient pour la riziculture d’environ trois hectares. L’eau polluée s’est également déversée dans la rivière Nobsin occasionnant des morts de poissons selon certains témoignages de riverains. Dans sa course, l’eau a contaminé des arbres, et le sol à une distance de « un kilomètre », selon le directeur de l’environnement et d’environ « trois kilomètres », selon des riverains. Les arbres contaminés se sont asséchés. Ils ont fait l’objet de recensement par les services des eaux et forêts. Rappelons les animaux s’y rendent massivement car ils ont plus de chance à y trouver de quoi brouter bien que la saison pluvieuse passée depuis des mois. Les habitants du village disent ne pas connaitre le nombre d’animaux ayant consommé l’eau contaminée car ils y viennent en nombre important. Ils chiffrent le nombre d’animaux directement touchés à une dizaine. Certains continuent après deux semaines de développer des crises et anomalies notamment sur la peau, selon certains propriétaires d’animaux. Une personne signale la mort d’un de ses poulets qui a bu l’eau contaminée. Pour le directeur de l’environnement et des relations avec les communautés parlant au nom de la mine, six animaux directement affectés ont été recensés. Il s’agit selon lui de deux bœuf, deux moutons, et de deux chèvres. Il indique que les animaux morts dans la zone y ont été enterrés. Non loin du périmètre contaminé, nous avons aperçu deux puits que les villageois utilisent pour leur consommation quand les principales sources d’eau du village tarissent.

Des mesures de sécurisation de la zone contaminée

Aussitôt arrivé et ayant constaté la mort de deux bœufs devant lui, le directeur de l’environnement mobilise séance tenante les forces de défense et de sécurité (FDS), les éléments de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) et les vigiles commis à la sécurité de la mine pour la mise en place d’un cordon sécuritaire. Il s’agissait dans un premier temps d’évacuer tous les animaux qui se trouvaient dans la zone contaminée et ensuite empêcher que d’autres y pénètrent. Pour empêcher la progression de l’eau polluée dans la rivière, la mine a fait verser une importante quantité de terre dans la rivière Nobsin à la limite de la partie touchée. En outre, M. Alira Alira Analira a ordonné aux services techniques de la mine un prélèvement de l’eau pour analyse. Les résultats tombent dans la même journée avec une confirmation de la présence du cyanure dans l’eau et tout l’espace submergé. Le mal était déjà fait.

Restauration de l’environnement ?

La société minière a pris des mesures pour minimiser les effets de la pollution après avoir constaté les morts d’animaux et obtenu les résultats d’analyse confirmant la contamination au cyanure. Dans un premier, M. Alira Analira assure que la mine a déversé de « l’hypochlorure de calcium » pour « dégrader » la contamination et empêcher qu’elle soit toujours mortelle pour les animaux. Ensuite, des citernes ont été mobilisées pour aspirer toute l’eau sortie hors de la mine pour les reverser dans le bac à cyanure à l’intérieur de la mine. En plus, le directeur de l’environnement et des relations avec les communautés a indiqué que le sol sur une surface de cinq hectares a été « décapé jusqu’à une certaine profondeur », c’est-à-dire creusé, ramasser et remplacer par d’autres terres. Une visite sur les lieux ce 11 février 2025, nous a permis de constater la présence d’une dizaine de camion bennes à l’œuvre pour le ramassage des amas des terres décapées. Nous avons également constaté la présence des éléments des FDS et des vigiles qui assurent toujours la garde pour empêcher l’entrée des animaux dans le périmètre. Malgré ces mesures, les populations continuent de s’inquiéter quant aux effets de la pollution à long terme.

Les populations inquiètes des effets du cyanure à court, moyen et long terme

Les populations ayant constaté les effets mortels du cyanure, disent être inquiètes sur les effets à court moyen et long terme. Qu’est-ce qu’elles encourent dans 10 ans, 20 ans, 50 ans voire plus après que la société minière ait fini et rentré chez elle ?, une question que des riverains se posent notamment sur le droit des générations futures de Nobsin à jouir d’un environnement sain. Les propriétaires d’animaux s’interrogent si les animaux qui ont bu l’eau contaminée et qui n’en sont pas encore morts ne vont-ils pas développer des maladies que la prise en charge leur sera couteuse ou bien ne vont-ils mourir après un certain temps. Les riverains s’interrogent également si les nappes ne seront pas atteintes même après le décapage du sol que la mine a fait pour minimiser la contamination. Leur inquiétude s’étend sur la présence deux puits non loin de la zone contaminée. Ils se pose des questions sur l’efficacité du décapage à décontaminer toute la surface touchée par l’eau polluée. Les cultivateurs du riz de leur côté s’inquiètent s’ils pourront encore produire du « bon riz » dans la zone sans que le rendement et la qualité du riz ne soient affectés.

Des demandes de réparation

Les victimes souhaitent une réparation des dommages qu’elles ont subis. Elles veulent qu’un certain délai assez raisonnable leur soit accordé pour observer les animaux qui ont été dans le périmètre. Et s’ils développent une maladie ou toute anomalie, que le ou les propriétaires bénéficient d’appuis techniques et ou financiers conséquents. Elles veulent que des analyses des eaux, du sol, des arbres, etc) de la zone contaminée soient faites par un laboratoire indépendant et crédible chaque six mois ou chaque année pour situer la population sur la qualité de leur environnement.

La société minière favorable à réparer les dommages

Le directeur de l’environnement et des relations avec les communautés de la mine, M. Alira Analira, a bien accepté nous recevoir pour répondre à nos questions ce vendredi 21 février 2025. Sur un ton est conciliateur, il a reconnu l’avènement de l’incident de la pollution. Il assure que tout sera mis en œuvre pour endiguer cette pollution comme ces mesures exposées ci-dessus. Il indique que les autorités compétentes travaillent sur la question et qu’un comité inclusif est mis en place pour instruire l’affaire. Et la mine attend les conclusions pour faire ce qu’elle doit faire en termes de réparation des préjudices. Le directeur assure que sa société est disposée à dédommager les victimes et même à réparer les préjudices moraux.

Hamidou TRAORE

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