Les banques centrales continuent de stocker de l’or, anticipant d’éventuelles crises futures

En 2022 et 2023, les achats nets annuels des banques centrales ont dépassé 1000 tonnes. Alimentée par les pays émergents et certains pays en développement, la demande d’or des banques centrales intervient dans un contexte de tensions géopolitiques et commerciales accrues.

Les banques centrales du monde entier ont ajouté 1044,6 tonnes à leurs réserves en 2024, a annoncé mercredi 5 février le World Gold Council. Alors que ces achats nets dépassent la barre des 1000 tonnes pour la troisième année consécutive, cette tendance illustre une accélération de la stratégie de diversification des réserves de change de ces institutions, face aux risques liés à certaines devises fortes.

L’or au lieu du dollar

A l’issue d’un sondage ayant révélé en juin 2024 que 29 % des banques centrales prévoyaient d’augmenter leurs réserves d’or, le World Gold Council a noté que la hausse de l’inflation et les risques de crise plus élevés encourageaient en partie ces achats. Un rapport publié en décembre 2024 par le Forum officiel des institutions monétaires et financières (OMFIF) va plus loin.

Les auteurs y expliquent que l’incertitude géopolitique et économique, amplifiée par la guerre en Ukraine et la montée des tensions internationales, pousse de nombreux pays à diversifier leurs réserves. L’or est perçu comme un actif stratégique, car il n’est la responsabilité d’aucun État ou institution financière, contrairement aux devises fiduciaires.

« La ‘’militarisation’’ du dollar résultant des sanctions imposées par les États-Unis a renforcé la pression exercée sur les banques centrales pour qu’elles se détournent des actifs libellés en dollars […] Un plus grand nombre de pays considèrent désormais l’or comme un instrument de diversification et un moyen de prendre pied dans un futur système monétaire potentiel, si et quand l’influence des États-Unis diminuera », indique le rapport.

Au-delà de cette position stratégique, le recours à l’or en lieu et place du dollar a aussi un rôle pratique plus immédiat pour certaines banques centrales. Au Ghana par exemple, la Banque centrale a lancé un programme national d’achat d’or auprès des producteurs locaux, permettant au gouvernement d’utiliser les lingots pour payer certaines charges de l’Etat. Cela permet de préserver les réserves de devises fortes, notamment le dollar. En 2024, le Ghana a ainsi ajouté 11 tonnes d’or aux réserves de sa Banque centrale.

Une stratégie risquée

Selon le World Gold Council, les achats nets des banques centrales pourraient à nouveau dépasser la barre des 1000 tonnes en 2025. L’institution cite notamment les guerres commerciales qui se renforcent dans le monde comme un facteur incitatif.

Ces achats massifs d’or par les banques centrales s’accompagnent néanmoins de certains risques. En stimulant la demande d’or, les banques centrales contribuent à la hausse du prix du métal jaune, qui a établi 40 nouveaux records de prix en 2024. En octobre 2024, le World Gold Council a d’ailleurs noté que la forte augmentation du prix de l’or a « freiné certains achats » de la part des banques centrales. L’OMFIF met en lumière d’autres limites à la stratégie des banques centrales.

La multiplication des achats d’or pourrait, à long terme, déstabiliser le système monétaire international en accentuant la défiance vis-à-vis des devises fiduciaires. Cela fragiliserait ainsi le rôle des banques centrales elles-mêmes comme garantes de la stabilité monétaire.

Agence ecofin

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