Burkina Faso-Budgétisation de l’accès à l’eau et à l’assainissement de 2016 à 2021 : Des efforts inopérants ?
L’effectivité du droit à l’eau et l’assainissement implique un financement conséquent tenant compte notamment des coûts d’investissement, d’exploitation, de maintenance. C’est à l’aune de tous les leviers entrainant l’effectivité de ce droit ô combien fondamental pour l’Homme que des citoyens avertis des questions budgétaires ont jeté un regard critique sur son financement. Ce travail publié sous le titre « Rapport de l’étude d’évaluation du niveau de prise en compte des services sociaux (Eau et assainissement, Santé et éducation) dans la loi de finance 2021 au Burkina Faso », a le mérite d’alerter sur deux questions préoccupantes : la faiblesse des dotations allouées au domaine et la forte dépendance avec les financements extérieurs.
C’est un rapport qui fait une analyse budgétaire du secteur de l’eau et l’assainissement de 2016 à 2021. D’ores et déjà le rapport révèle que le plan de financement du secteur de l’eau et de l’assainissement sur la période 2016-2020, distingue cinq sources de financement : les ressources nationales à travers le budget de l’Etat pour 15% ; l’aide extérieure à travers des conventions de financement avec les partenaires au développement notamment les ONG pour 83% ; et le produit de la contribution financière des usagers et le recours à des fonds privés pour 2%. Ce qui montre que le financement de ce secteur est très fortement dépendant des donateurs extérieurs. Par ailleurs, l’étude rappelle que le budget prévisionnel consacré au ministère en charge de l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement est passé de 35,20 milliards de francs CFA en 2016 à 56,23 milliards de francs CFA en 2021. Ce qui correspond à un taux de croissance global des dotations au profit du Ministère de l’Eau et de l’Assainissement (MEA) de 59,75% entre 2016 et 2021. En moyenne, ces dotations ont connu une augmentation de 9,82% (soit 3,45 milliards) chaque année sur la période de l’étude. Elles ont varié en dents de scie avec une très forte augmentation entre 2016 et 2017 passant de 35,2 milliards de francs CFA à 95,64 milliards de francs avant de chuter brutalement pour se situer à 44,26 milliards de francs CFA en 2019. Toutefois, on note une tendance à la hausse des allocations en faveur du MEA dans les budgets de 2019 à 2021. En comparaison avec les prévisions globales, les ressources prévisionnelles du MEA ont représenté en moyenne 2,49% du budget total de l’Etat, sur la période de 2016 à 2021. Les parts les plus faibles ont été enregistrées en 2016 (1,81%), 2019 (1,87%) et 2020 (1,81%) et la part la plus élevée en 2017 (4,16%). Outre, la décomposition des dotations par programmes budgétaires du MEA sur la période 2017-2021 fait ressortir le poids annuel moyen par programme comme suit : -Aménagements hydrauliques : 53,77% ; Approvisionnent en eau potable : 24,20% ; Gestion intégrée des ressources en eau : 10,24% ; Assainissement des eaux usées et excréta : 6,07% ; Pilotage et soutien : 5,71%.
Ces chiffres montrent que les programmes relatifs à la maitrise et à la gestion de l’eau absorbent la plus grande partie des allocations du ministère. Par contre les actions en lien avec la promotion de l’assainissement ne représentent que moins du dixième des allocations budgétaires du MEA. Ce qui indique que le ministère met plus l’accent sur les réalisations en matière d’eau. En effet, environ 88,26% du budget du ministère y est consacré. Sur la période 2018-2021, on constate une diminution de la part budgétaire consacrée aux actions d’investissement, pendant que la part des actions de pilotage et de soutien connaît une augmentation sur la même période. Elle dépasse même celle consacrée aux actions de promotion de l’assainissement sur la période 2019-2021. Comparativement à l’exécution budgétaire globale de l’Etat, l’étude montre que le budget exécuté du MEA représente en moyenne par an 2,22% sur la période 2016-2019.
Les ressources transférées aux collectivités territoriales
De 2017 à 2020 l’Etat a transféré en moyenne chaque année 1,73 milliards FCFA pour l’accès à l’eau potable et 1,63 milliards FCFA pour la promotion de l’assainissement familial. Au titre de la loi de finances 2021, les transferts du MEA au profit des collectivités territoriales dans le domaine de l’eau et de l’assainissement sont respectivement de 1,09 milliards FCFA et 0,71 milliards. L’accès à l’eau potable reste prioritaire dans les affectations de ressources au profit des collectivités.
En plus des ressources transférées aux collectivités dans le domaine de l’eau potable et de l’assainissement, d’autres départements ministériels allouent aussi des ressources en faveur du secteur. La prise en compte de ces ressources budgétaires pour la mise en œuvre d’actions de promotion de l’AEPHA dans d’autres départements permet de noter que sur la période de 2017 à 2021 trois ministères ont alloué des ressources essentiellement dans le domaine de l’assainissement. Il s’agit du Ministère de l’éducation nationale, de l’alphabétisation et de la Promotion des Langues Nationales (MENAPLN), du Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat (MUH) et du Ministère de l’Environnement, de l’Economie Verte et du Changement Climatique (MEEVCC). Ces ministères ont affecté au total et en moyenne 2,274 milliards par an sur la période en faveur du secteur entre 2017 et 2021.
Cependant, en considérant l’ensemble des ressources budgétaires allouées au secteur, les chiffres montrent qu’elles ont été en moyenne chaque année sur la période, de 67,68 milliards ne représentant en moyenne par an que 2,85% du budget global de l’Etat. Cela démontre la faiblesse des dotations budgétaires en faveur du secteur de l’AEPHA en dépit de son rôle primordial dans la promotion du bien-être des populations. Pire, les allocations connaissent une chute brutale entre 2017 et 2019 passant de 103,42 milliards en 2017 à 47,5 milliards en 2019 avant de remonter légèrement à 60,87 milliards en 2021.
Visiblement ce sous financement de ce secteur n’a pas entrainé une amélioration significative des conditions de vie des populations. Quand on sait que le déficit d’assainissement est le premier facteur d’hospitalisation voire de décès dans notre pays, on ne peut espérer qu’avec la nouvelle dynamique, la question de l’eau et d’assainissement doit retenir l’attention des autorités et que cela se traduise par une allocation de ressources financières conséquentes.
Hamidou TRAORE